Dans ses épîtres, qui constituent une source de première main, Paul traite de sa conversion de manière brève.
« Et après [avoir été vu de] tous, il a aussi été vu de moi, comme de l’avorton ; car je suis le moindre des apôtres, et je ne suis même pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. »
« Or je vous fais connaître, frères, que l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est point selon l’homme ; car je ne l’ai reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. […] Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les païens, aussitôt, je ne consultai point la chair et le sang, et je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui avaient été apôtres avant moi ; mais je m’en allai en Arabie, et je revins de nouveau à Damas. »
— Galates 1,11-12 et 15-16 ; traduction Bible annotée de Neuchâtel.
Dans les Actes des Apôtres, la conversion de Paul est abordée à trois endroits différents, et cette expérience y est beaucoup plus détaillée que dans les épîtres. Les Actes décrivent la conversion comme un évènement qui s'est déroulé au moment où Paul était en route vers Damas. Jésus lui apparaît sous la forme d'une lumière, et il tombe à la suite de cette vision et il devient aveugle. Paul est ensuite emmené à Damas, où il est baptisé trois jours plus tard par Ananie, qui lui rend en même temps la vue, Ananie ayant reçu l'ordre de Dieu de l'accueillir parmi les saints. Les trois récits de cette conversion se situent en Ac 9,3-9, 22,5-11, et 26,13-19. Le premier est raconté par l'auteur des Actes, tandis que les deux autres sont racontés par Paul, lorsqu'il est emprisonné à Jérusalem puis à Césarée. D'aucuns ont cru y déceler des différences irréconciliables mais le recours à la grammaire grecque met fin à ces contestations.
Deux récits
Il existe une divergence de compréhension concernant les gens de la caravane qui accompagnent Paul :
« Or les hommes qui faisaient route avec lui s’étaient arrêtés muets, entendant [ακουων, akouon] bien la voix, [φωνῆς, phonês] mais ne voyant personne. » (Ac 9,7)
« Or ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils ne comprirent [ἤκουσαν, ēkousan] pas la voix de celui qui me parlait. » (Ac 22,9) « au milieu du jour, je vis, ô roi, sur le chemin, une lumière qui venait du ciel, et dont l’éclat surpassait celui du soleil, resplendir autour de moi et de ceux qui faisaient route avec moi. Et nous tous étant tombés par terre, j’entendis [ἤκουσαν, ēkousan] une voix
[φωνὴν, phonèn]
qui me dit en langue hébraïque […] » (Ac 26,13-14a)
Dans le premier récit, Paul voit la lumière, et ses compagnons entendent la voix ; dans le deuxième, ils tombent par terre à cause de la lumière, mais seul Paul comprend la voix de celui qui lui parle ; dans le dernier, Paul et ses compagnons tombent et sont enveloppés de lumière, mais seul Paul comprend la voix.
L'apologétique chrétienne, posant le principe de l'inerrance biblique, explique ainsi que les caravaniers entendirent, mais ne comprirent pas ce que Jésus dit à Paul, car le premier aurait parlé « en langue hébraïque » : « Il n’était pas moins naturel que le Seigneur, s’adressant à un Israélite, employât sa langue maternelle, celle de son enfance et de ses impressions religieuses les plus profondes »[7]. « De même, ils ne virent personne, aucune forme distincte, mais seulement une lumière »[8].
Fiabilité du récit des Actes
Des exégètes ont toutefois relevé que l'épisode du chemin de « Damas n'a jamais été relaté par Paul dans ses lettres », la mention de l'avorton évoquant « un événement extérieur, mais sans en esquisser le moindre récit »[9].
Le récit s'insère dans l'ouverture du christianisme vers les païens plutôt que vers les juifs : « Luc montre ainsi comment Dieu élargit le cercle des élus » note Élian Cuvillier. Ce dernier note encore que Paul ne parle pas de « conversion » mais d'une « révélation »[10] ; cependant, cette révélation l'a conduit à une profonde conversion au christianisme dont la moitié des textes du Nouveau Testament lui est imputée.
Traditionnellement représenté à pied, une nouveauté principale au XIIe siècle est l'introduction du cheval dans l'iconographie de l'événement de Damas (alors que le récit biblique ne mentionne pas cette monture, rarissime dans l'Antiquité, les voyageurs ordinaires circulant à pied). Cette nouvelle tradition iconographique s'avère n'être pas sans signification spirituelle et anthropologique : terrassé dans son orgueil, Saul tombe de très haut[12].
Littérature
La Conversion de Saint Paul, par Murillo, se rattache à une tradition iconographique dans laquelle Saul a encore une jambe au-dessus de l'encolure du cheval[13].
Paul recueille les semences de la poésie grecque antique et, sortant d’une attitude antérieure de profonde indignation (cf. Ac 17, 16), il va jusqu’à reconnaître les Athéniens comme étant « très religieux » et voit dans ces pages de leur littérature classique une véritable Praeparatio evangelica(en) (grec ancien : Εὐαγγελικὴ προπαρασκευή, Euangelikē proparaskeuē). Il a compris que la littérature « découvre les abîmes qui habitent l’homme, tandis que la révélation, puis la théologie, s’en emparent pour montrer comment le Christ vient les traverser et les illuminer ». La littérature est donc une « voie d’accès », vers ces abîmes, qui aide le pasteur à entrer dans un dialogue fructueux avec la culture de son temps[14].
Notes et références
Notes
↑Sauf mention contraire, toutes les traductions des extraits bibliques présentés dans cet article sont de la BAN.
↑(en) Geoffrey William Bromiley, International Standard Bible Encyclopedia : A – D, Em. B. Eerdmans Publishing Company, , 1006 p. (ISBN0-8028-3781-6, lire en ligne) p. 689
↑(en) Paul Barnett, Jesus, the Rise of Early Christianity : A History of New Testament Times, InterVarsity Press, , 448 p. (ISBN0-8308-2699-8, lire en ligne) p. 21
↑(en) Richard L. Niswonger, New Testament History, Zondervan Publishing Company, , 336 p. (ISBN0-310-31201-9, lire en ligne) p. 200