Le métier de Médiateur en Santé-Pair, un espoir pour une psychiatrie plus humaine ?

De Mi caja de notas

Auteur : Christophe Chasseriau (2022-06)

(Extrait de rapport de stage à La Trame)

Le dispositif la Trame m’a permis d’expérimenter sur le terrain les pratiques de pair-aidance professionnelle. Le développement de la fonction a été facilité par un environnement ouvert et déjà sensibilisé aux pratiques de pair-aidance. Le cursus de formation nous sensibilise à une culture, des outils, une posture. La pratique opérationnelle nous confronte à notre environnement et nous demande une certaine forme de souplesse. Les Médiateurs de Santé- Pair sont des ambassadeurs des pratiques de rétablissement. Cela ne veut pas dire qu’ils en ont le monopole. Mais je pense qu’ils sont pleinement chargés de cette mission au sein de leurs différentes organisations avec un atout majeur qui est la posture de dévoilement qui conditionne une rencontre sous le signe de l’identification réciproque. De plus, ce métier est marqué par ce qu’on peut désigner comme « l’informalité » de la fonction. Notre posture inclue des moments d’échanges informels. C’est d’ailleurs dans ces moments que se crée la relation de confiance, prérequis indispensable à l’enclenchement d’un accompagnement de pair à pair. Cette posture peut parfois être dérangeante pour une équipe soignante habituée à mettre de la distance dans ses relations, notamment pour se protéger. Leur référentiel métier les a conditionné dans des processus de prise en charge que ce nouveau métier vient bousculer. Il est tout à fait normal que ceci fasse polémique. La notion de préparation des organisations reste donc un élément clé à prendre en considération pour le bon déploiement de la fonction. Par ailleurs, afin de sécuriser la pérennisation de ce nouveau métier, un travail législatif, basé sur les principes de démocratie sanitaire pourrait être enclenché, notamment afin de sécuriser un statut qui frôle parfois la précarité.

J’ai la conviction que l’on ne devient pas pair-aidant par hasard. Notre parcours de vie nous a mené à traverser des épreuves et à se reconstruire. Je pense que nous avons foi dans le rétablissement et dans des pratiques plus humaines de prise en charge et nous souhaitons le partager largement. Nos discours sont aussi alimentés par des traumatismes subis lors de notre parcours et que nous souhaitons revendiquer afin que les choses changent. Comme le souligne L. Bonnafé dans son ouvrage Désaliéner ? Folie(s) et société(s), « On juge du degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses fous » (L.Bonnafé, 1992). De ce point de vue, on peut dire que nous avons encore de la marge en termes d’évolution et que nous sommes encore loin d’une compréhension et d’une conception holistique de l’homme dans nos civilisations dites « moderne ». Nous choisissons majoritairement l’option du « traitement de masse » plutôt que de la compréhension.

Aujourd’hui, nos politiques fondent en partie leurs recherches d’innovation sur des approches nouvelles fondées sur les neurosciences et la recherche d’une certaine productivité des diagnostics débouchant sur des classifications américaines comme le DSM V. Pour avoir travaillé à la modernisation des systèmes d’informations pour le secteur public, je comprends la démarche qui consiste à industrialiser un processus afin d’améliorer son efficience. Mais, nous ne sommes pas des machines, et ceci reste dans une approche centrée sur la psychopharmacologie (diagnostic / traitement). Cela aide surement à administrer plus de traitements mais est-ce vraiment l’objectif ?

Comprendre les mondes des autres demande souvent de se remettre en question. Le savoir expérientiel vient ici questionner les savoirs théoriques. En matière de santé mentale, certaines clés sont peut-être à trouver dans des philosophies et traditions du passé pour justement mieux concevoir l’avenir. C’est par exemple le cas de la philosophie taoïste et de la médecine traditionnelle chinoise qui décrivent des systèmes humains plus holistiques et font le lien corps- âme-esprit (avec les notions de corps énergétique, spirituel et physique).


Étymologiquement, psychiatrie provient du mot grec psyche, qui signifie âme ou esprit, et iatros, qui signifie médecin (littéralement « médecine de l'âme »). Dans beaucoup de traditions non-occidentales, l’âme ne se guérit pas à coup de neuroleptiques. Pour ma part, je pense que l’âme peut trouver une voie de rétablissement dans la compréhension de son chemin de vie et le fait de retrouver un certain alignement avec les choses qui la font vibrer. De mon point de vue, au-delà des cases et des diagnostics, un rétablissement sur le long terme passe par une connaissance de soi et une réflexion sur son projet de vie. Aligner son projet de vie avec ses aptitudes, c’est sans doute une des clés les plus importantes afin de trouver un état émotionnel stable sur le long terme.

Paradoxalement, dans une société qui manque de temps et court après le profit, la modernité en matière de santé mentale serait peut-être d’accorder plus de temps et de compréhension à nos « fous ». C’est peut-être en ça que le métier de médiation en santé-pair est un espoir pour une psychiatrie plus humaine.