Paul Michel naît en 1920 au 2 rue Brézin à Paris dans le 14e arrondissement « de père et mère non dénommés ». Il est reconnu en 1924 par Juliette Audiard[1].
Il est élevé par son parrain. Il poursuit sans grand intérêt des études qui le mènent jusqu'au certificat d’études et à un CAP de soudeur à l’autogène.
Passionné de littérature et de cinéma, il se forge une solide culture, lisant Rimbaud, Proust et Céline, et découvre les dialogues de Jeanson et Prévert. Passionné également de bicyclette, il traîne du côté du vélodrome d'Hiver où il rencontre André Pousse qu'il introduira au métier d’acteur. Songeant un temps à faire carrière dans le vélo, il y renonce car il « ne montait pas les côtes ».
La guerre
Durant l'Occupation, Michel Audiard rédige des articles et des critiques dans des journaux et hebdomadaires antisémites et collaborationnistes. Par l'intermédiaire de Robert Courtine, il publie dans L'Appel, dirigé par Pierre Costantini. Le 12 août 1943, il publie un conte, LeRescapé du Santa Maria[6], dans lequel il mobilise des clichés antisémites[7]. Le 18 mai 1944, il écrit, dans un article favorable à Luc Dietrich[8] :
Son Bonheur des tristes jaillit telle une source vive, un bain d'exquise fraîcheur, nous purifiant fort à propos des amours sophistiquées et de la poésie liquéfiante de dame Cocteau.
[...] il est inutile d'avoir survolé la cordillère des Andes de nuit pour avoir envie de botter les fesses du petit youpin Joseph Kessel en paiement des insanes goujateries dont il a cru auréoler le souvenir du grand Mermoz.
En 1947, il est brièvement inquiété par les autorités qui ont retrouvé une fiche d'adhésion à son nom au groupe Collaboration. Il se défend d'avoir adhéré au groupe et affirme que cette inscription s'est faite à son insu[10].
En 2017, à la suite des révélations du passé collaborationniste d'Audiard, son petit-fils, Stéphane Audiard, affirme au journal Le Figaro[11] :
Si vous me permettez de défendre la mémoire de mon grand-père, je pense qu'il agit à l'époque par faiblesse, par entraînement. Il était issu d'un milieu modeste, avait dû arrêter l'école au certificat d'étude. Il va voler des vélos, devenir une sorte de petit voyou et rencontrer dans ce milieu des mecs très à droite comme Courtine. [...] Michel qui a toujours été bon en « rédac » mais qui n'a que son certificat d'études a une chance rare de sortir de son milieu. Il va la saisir sans être trop regardant. Né dans un autre temps, j'en suis sûr, anarchiste comme il était, il aurait pu écrire dans des journaux d'extrême-gauche.
Il affirme également au journal Valeurs Actuelles que Michel Audiard a fait partie du réseau de résistance Alliance à partir du mois de septembre 1943 d'après une attestation du capitaine Pierre Grolleau[12].
L'après-guerre
Le 2 mai 1947, Michel Audiard épouse Marie-Christine Guibert, journaliste, morte le 17 janvier 2022[13]. Ils divorcent en 1972[14]. De leur union naissent deux enfants :
François Audiard, né en 1949, mort dans un accident de la route en 1975 ;
Bruno Meynis de Paulin, né en 1953 (fils non reconnu), qui écrit en 2004 Être le fils de Michel Audiard sous le nom de plume Bruno M.
Au lendemain de la guerre, il vivote comme livreur de journaux, ce qui lui permet d’approcher le milieu du journalisme. Il entre à l’Étoile du soir où il commence une série d'articles sur l'Asie rédigés sur des comptoirs de bistrots parisiens. La découverte de l'imposture lui valant d'être rapidement remercié, il devient alors critique de cinéma pour Cinévie.
En 1968, il entame une carrière de réalisateur et tourne des films dont les titres sont parmi les plus longs du cinéma français : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !. Son premier film comme réalisateur, Faut pas prendre les enfants du bon Dieu..., est un succès commercial, mais l'accueil du public va déclinant et lui-même est peu convaincu par cette expérience. Après huit films de fiction et un documentaire, il revient à sa véritable vocation de dialoguiste et de scénariste.
Le , alors qu’il travaille avec le réalisateur Philippe de Broca au scénario de L'Incorrigible, il est durement touché par la mort d'un de ses fils, François, tué dans un accident de voiture. Il en conserve une profonde tristesse qui donnera à son œuvre une tonalité plus sombre (Garde à vue et Mortelle Randonnée de Claude Miller), même s’il continue par ailleurs à participer à de gros succès populaires (Tendre Poulet, Le Guignolo, Le Professionnel). En 1978, il publie un roman en partie autobiographique, La nuit, le jour et toutes les autres nuits, pour lequel il reçoit le prix des Quatre jurys. Il y écrit au sujet de la mort de son fils dans un accident de la route, « ... depuis qu'une auto jaune a percuté une pile de pont sur l'autoroute du Sud et qu'un petit garçon est mort ». Il obtient la reconnaissance de ses pairs en remportant le César du meilleur scénario en 1982 pour Garde à vue.
Les dialogues des films scénarisés par Michel Audiard font l'objet d'un véritable culte populaire, comme en témoigne le nombre de sites web consacrés au sujet.
Son petit-fils, Marcel Audiard (fils de François), publie en 2017 un roman dont le titre, Le Cri du corps mourant[20], est un clin d'œil à l'un de ses films.
Une place dans le 14e arrondissement de Paris porte son nom.
Répète un peu ce que tu viens de dire (Julliard, 1975)
La Nuit, le jour et toutes les autres nuits (Denoël, 1978) - rééd. 2010
Le Chant du départ (Fayard, 2017), édité sous la direction de Laurent Chollet
Autres publications
Chaque fois qu'un innocent a l'idée de monter un chef-d'œuvre, le chœur des cafards entre en transe…, Chroniques cinématographiques, 1946-1949, éd. établie, présentée et annotée par Franck Lhomeau, Joseph K., 2020.
Michel Audiard et Georges Simenon, Le Sang à la tête, Maigret tend un piège, Le Président, scénarios édités, présentés et annotés par Benoît Denis, Institut Lumière/Actes Sud, 2020.
Ça ne me regarde pas, Reportages, nouvelles et contes inédits, 1946-1947, éd. établie, présentée et annotée par Franck Lhomeau, Joseph K., 2021.
Michel Audiard et Albert Simonin, Le Cave se rebiffe, Mélodie en sous-sol, Les Tontons flingueurs, scénarios édités, présentés et annotés par Franck Lhomeau, Institut Lumière/Actes Sud, 2021.
Michel Audiard réalisateur, scénarios écrits avec Jean-Marie Poiré, Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques, Comment réussir quand on est con et pleurnichard, scénarios édités, présentés et annotés par Thibaut Bruttin, Institut Lumière/Actes Sud, 2022.
Michel Audiard-Jean Herman/Vautrin, Flic ou Voyou, L'Entourloupe, Garde à vue, scénarios édités, présentés et annotés par Thibaut Bruttin, Actes Sud/Institut Lumière, 2023
↑Isabelle Blondel, Olivier Delacroix, Alice Develex, Nicolas d'Estienne d'Orves, Bertrand Guyard, Colette Monsat, Marie-Noëlle Tranchant et Florence Virerron, « Si le Paname d'Audiard m'était conté », Le Figaroscope, semaine du 10 au 16 mai 2017, pages 8-10.
Philippe Durant, Michel Audiard, La vie d'un expert (Dreamland éditeur, Paris 2001) ; réédition revue, corrigée et augmentée de nombreuses interviews inédites parue sous le titre Michel Audiard ou comment réussir quand on est un canard sauvage (Le Cherche Midi, Paris 2005)
Michel Audiard, Audiard par Audiard (édition La mémoire du cinéma français/René Chateau, 400 p., Paris 2000)
Philippe Durant, Le Petit Audiard illustré par l'exemple (Nouveau Monde, Paris 2011)
Stéphane Germain, L'Encyclopédie Audiard (Hugo&Cie, Paris 2012)
Philippe Lombard, Le Paris de Michel Audiard : Toute une époque, Paris, éd. Parigramme, , 128 p., 28 cm (ISBN978-2-84096-991-4, BNF45203000).
Le dépôt légal à la BnF est fait au nom de la Compagnie parisienne du Livre, raison sociale à laquelle se rattache la marque commerciale « Éditions Parigramme ».
Marion Froger, « Histoire et panache dans le cinéma de Michel Audiard au tournant des années 1960 (1958-1964) », Études françaises, vol. 47, no 1, , p. 75-91 (lire en ligne)
Franck Lhommeau, « La Vérité sur l'affaire Audiard », Temps Noir, no 20, , p. 200 à 311
« Michel Audiard, le mauvais esprit : dossier », Revue des deux mondes, juillet-août 2022, p. 19-105
Fabrice Defferrard, Les lois de Michel Audiard - Liberté, Fraternité, Égalité, collection Droit & Cinéma, Éditions Mare & Martin, 2021