Au printemps 1975, Bernard Hass[1] alors secrétaire général du Syndicat des producteurs de sucre du rhum des Antilles[2] et Florent de Kersauson (frère cadet d'Olivier de Kersauson) déjeunent ensemble rue Arsène Houssaye à Paris. Les deux hommes se sont connus à l'université de Cornell aux États-Unis. Bernard Hass cherche une idée pour relancer la filière du rhum. Florent de Kersauson lui répond : « Mais il faut faire une course à la voile, bien sûr, qui va vers les Antilles, à l’automne. »[3]. Bernard Hass et Florent de Kersauson vont naturellement voir Éric Tabarly et Gérard Petipas qui préside alors la société Pen Duick. L'idée d'une course en solo plaît à Éric[4], mais moins à Gérard qui prépare La Transat en double. Ils vont alors voir Michel Etevenon qui s'occupe de l'Olympia et gère le budget Kriter alors sponsor d'Olivier de Kersauson. À ce moment-là, celui-ci s'apprête à participer à la course autour du monde 1975-1976 Financial Times Clipper Race[5] sur Kriter II et Michel Etevenon refuse.
Pierre-Louis de la Rochefoucauld[6], président de la branche guadeloupéenne du syndicat est lui, enthousiaste et Louis Claverie Castetnau ancien directeur général de l’usine sucrière Darboussier à Pointe-à-Pitre emmène avec lui la majorité des producteurs de Guadeloupe dès 1976. Pour motiver les coureurs, les Guadeloupéens sont généreux et offrent la somme énorme de 500 000 francs de l'époque pour récompenser les six premiers. « Le choix du lieu de départ fait débat » écrit le journaliste et photographe de voile Christian Février, « Les rhumiers penchent pour Bordeaux, port emblématique de l'importation du sucre et du rhum. Florent se bat pour Saint-Malo »[7]. L'idée est aussitôt proposée à l'UNCL et Florent de Kersauson entre au comité où il est chargé des courses océaniques et se charge d'obtenir toutes les autorisations nécessaires[8]. A trois ans de la future course l'essentiel de la course est sur les rails, mais il faut la lancer.
En décembre 1976, les Anglais décident, pour leur courses, de limiter la taille des bateaux à 17,06 mètres. À l'époque Alain Colas vient de participer à la Transat anglaise sur le Club Méditerranée, un quatre-mâts de 72 mètres de long. En réponse à la limitation de l'accès des bateaux de 56 pieds aux courses transatlantiques organisées par les Anglais, Michel Etevenon adoubé par Jacques Goddet annonce dans L'Équipe du , vouloir créer une grande course française sans limitation de taille[9]. Pendant tout l'hiver, il cherche un sponsor pour sa course. Mais n'en trouve pas et commence peu à peu à croire au projet de Bernard Haas et de Florent de Kersauson. Ce dernier a rédigé un premier règlement de course avec la caution technique de l'UNCL, avait l'aval des ministères des sports, de la Défense pour la Marine, des DOM-TOM et de l'Intérieur, restait à obtenir l'autorisation du ministère des Transports. La société Promovoile est alors constituée le par Michel Etevenon et six autres associés, exploitants de sucreries et de distilleries, afin d'organiser une course transatlantique en solitaire prévue tous les quatre ans et appelée Route du Rhum. Dès la première course en 1978, Promovoile a été l'organisatrice de cet évènement sportif[10], tandis que Florent de Kersauson alors âgé de 28 ans a été le secrétaire général de la course.
Présentation de la course
Port de départ et port de destination.
La Route du Rhum rallie Saint-Malo dans le nord-est de la Bretagne, à Pointe-à-Pitre, sous-préfecture et port de la côte est de la Guadeloupe. La ligne de départ est située légèrement à l'ouest de la Pointe du Grouin, sur la commune de Cancale. Pour permettre aux spectateurs de profiter du début de la course, une marque de parcours devant le cap Fréhel est à laisser à tribord par les voiliers[11]. Pour les mêmes raisons, l'île de la Guadeloupe doit être laissée à bâbord, c'est-à-dire que les coureurs doivent en faire le tour par le nord puis l'ouest (en passant par le canal des Saintes) avant de franchir la ligne d'arrivée devant Pointe-à-Pitre[12]. Sur l'orthodromie – la route théorique la plus courte – le parcours représente une distance à parcourir de 3 510 milles.
Comme toutes les courses en solitaire, cette course est contraire au Règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM, en anglais ColReg) qui dit dans sa règle 5 que « tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d'abordage. »
Depuis 1990 tous les bateaux vainqueurs ont été conçus par le cabinet d'architectes VPLP design[13].
Les éditions 2006 et 2010 sont sponsorisées par La Banque Postale (La Route du Rhum-La Banque Postale)[14].
Depuis l'édition 2014, la région Guadeloupe étant le partenaire principal, l'épreuve porte le nom de Route du Rhum - Destination Guadeloupe[15].
Entre 1978 et 2014, l'amélioration du temps réalisé par le vainqueur est considérable : il a été divisé par trois. Cela est principalement dû à l'amélioration des matériaux et des systèmes de prévisions météorologiques.
Alain Colas et de son trimaran Manureva disparaissent le au large des Açores, onze jours après le départ sans que l'on n'ait jamais retrouvé son corps ou son bateau[16].
Cette première édition est ouverte à tous les bateaux : les monocoques sont mêlés aux multicoques sans spécification de catégorie ou restriction de taille[16]. Elle symbolise le moment où les multicoques ont acquis une réelle suprématie face aux monocoques, avec un podium rappelant celui de la Transat anglaise en 1972, lorsque Alain Colas et son Manureva dépassaient Jean-Yves Terlain aux commandes du monocoque Vendredi 13 au milieu de l'océan Atlantique.
50 ou 52 bateaux, selon les sources, sont au départ de la deuxième édition. Celle-ci présente quelques nouveautés avec l'apparition des balises Argos, l'établissement de cinq classes, et la présence de grands multicoques, avec les 27 mètres de William Saurin skippé par Eugène Riguidel ou Jacques-Ribourel de Olivier de Kersauson[18].
Marc Pajot, malgré une avarie sur Elf Aquitaine, poutre centrale fendue, l'emporte, devançant de dix heures Bruno Peyron sur Jaz, Mike Birch terminant troisième. Kriter VIII, barré par Michel Malinovsky, est le premier monocoque, terminant à la dixième place[18].
∗ Non officiellement classé selon la décision du Comité de course après le sauvetage le de l'Australien Ian Johnston.
1986 : troisième édition
33 bateaux sont au départ de la troisième édition de la Route du Rhum[21]. Parmi ceux-ci, treize bateaux mesurent plus de 23 mètres[21]. Treize sont des catamarans et neuf trimarans. Parmi ces derniers, certains sont équipés de foils[21]. Seuls cinq monocoques sont au départ, contre quinze lors de l'édition précédente, et ce malgré par une forte dotation[22].
Cette troisième édition est marquée par la disparition de Loïc Caradec le lors du chavirement de son catamaran Royale. Celui-ci est découvert par Florence Arthaud, qui entendant l'appel de détresse de Loïc Caradec, se détourne mais ne retrouve que le catamaran vide[23].
Philippe Poupon est le premier à rejoindre Pointe-à-Pitre, en 14 jours, 15 heures et 57 minutes, devant Bruno Peyron sur Ericsson et Lionel Péan sur Hitachi[21]. Le premier monocoque termine 12e, Pierre Lenormand sur Macif[21].
L'édition 2002 de la Route du Rhum fut marquée par l'abandon de 15 multicoques de 60 pieds (sur un plateau de 18) en raison de multiples chavirages et de casses causés par des conditions météorologiques très dures dès le début de la course.
catégorie Rhum (monocoques ou multicoques entre 12,18 m et 18,28 m) (11 inscrits).
Les bateaux s'élancent au large de Saint-Malo, le dimanche à 13h02.
Franck Cammas à bord du trimaran Groupama 3 a été le premier arrivé en fin d'après-midi le après 9 jours, 3 heures, 14 minutes et 47 secondes de course avec une moyenne de 16,14 nœuds. Suivi dix heures plus tard de Francis Joyon sur Idec (9 jours, 13 heures, 50 minutes et 48 secondes) puis Thomas Coville à bord de Sodebo (10 jours, 3 heures, 13 minutes et 11 secondes), tous les trois sur des bateaux de classe ultime.
Roland Jourdain à bord de Véolia remporte l'épreuve dans la catégorie IMOCA. Il remporte ainsi sa deuxième victoire consécutive. Lionel Lemonchois, vainqueur de l'édition 2006 en multicoques, termine premier en classe 2 multicoques 50 pieds.
catégorie Rhum (monocoques ou multicoques entre 12,18 m et 18,28 m).
Loïck Peyron, qui avait remplacé fin août Armel Le Cléac'h blessé à la main, et dont c'est la septième participation à cette course, remporte la course, dans le temps record de 7 jours15 heures8 minutes32 secondes, à bord du maxi trimaran Banque populaire VII[33], devançant d'un peu plus de 14 heures Yann Guichard sur Maxi Spindrift 2 et de presque 24 heures Sébastien Josse sur Gitana XV. Erwan Le Roux sur Fenêtrea s'impose dans la catégorie Multi50, François Gabart sur Macif, pour sa dernière course en IMOCA, établit un nouveau record de la catégorie (12 j 04 h 38 min 55 s). Alex Pella sur Tales II s'impose dans la catégorie Class40 et Anne Caseneuve sur ANEO remporte la catégorie Rhum.
Les 123 concurrents, record de la compétition[34], répartis en six catégories, s'élancent le dimanche pour la onzième édition, marquant les 40 ans de la route du Rhum. Après l'édition 1976 de la Transat anglaise (126 concurrents), c'est le plus grand nombre de concurrents pour une compétition océanique. Armel Le Cléac'h abandonne le , ayant chaviré au large des Açores. Dans la catégorie Ultime, la course ne se dispute plus qu'entre François Gabart et Francis Joyon, et ce dernier l'emporte à l'issue d'un final très serré ; 7 minutes et 8 secondes séparent les deux concurrents à l'arrivée. Selon les organisateurs, cette édition a accueilli 2,2 millions de visiteurs, dont 1,3 million à Saint-Malo[35].
Le départ de la course, prévu le , est décalé trois jours plus tard, en raison des conditions météorologiques[36],[37]. Elle bat son record de participation avec la présence de 138 participants sur la ligne de départ.
Cette édition déplorera deux morts à la suite du chavirage d'un bateau suiveur affrété par l'organisation de la course, quelques minutes avant l'arrivée du vainqueur[38].
↑Christian Février, « Les deux vrais inventeurs de la Route du Rhum », Voiles et Voiliers, , p. 44 à 48 (ISSN0751-5405).
↑Dino di Meo et Antoine Grenapin, L'Épopée transatlantique : les multicoques sous l'emprise du rhum, Paris, Hugo Image, , 224 p. (ISBN978-2-7556-3926-1), Page 11 à 14.
↑Anouk Corge, « "L'Équipe était dans la Course" », L'Équipe - Hors-Série 1978-2018 La Légende du Rhum, , p. 3 (ISSN0153-1069).