Le bâtiment abrite en réalité trois salles : le Théâtre des Champs-Élysées, grande salle à l’italienne de 1 905 places destinée à l'opéra, à la danse et à la musique ; et deux salles consacrées au théâtre : la Comédie des Champs-Élysées, salle moyenne de 601 places, et le Studio des Champs-Élysées, petite salle de 230 places.
La Caisse des dépôts et consignations est propriétaire des murs (donc du 15 avenue Montaigne comprenant également le restaurant Gigi[1], et le restaurant-cabaret Le Manko) depuis 1970, et mécène principal des programmations des différentes salles.
Historique
Architecture
Construit en 1913 dans un style sobre et rigoureux, le bâtiment est considéré comme l’un des premiers représentants du style Art déco en architecture. Il abrite trois salles de spectacle et un restaurant au sommet, aligné sur les immeubles voisins de trois niveaux.
Il était initialement prévu que la structure soit en acier, ce qui avait poussé son premier directeur, Gabriel Astruc, à choisir les architectes Henry Fivaz et Roger Bouvard. En 1910, Henry Van de Velde est « appuyé » à Bouvard. Van de Velde fait la connaissance d'Auguste Perret un an après ; c'est alors que la structure est envisagée en béton. C'est la première fois qu'une salle de concert est réalisée entièrement en béton[2]. Van de Velde fait appel à l'entreprise Perret pour l'ossature en béton mais il est finalement évincé du projet. Auguste Perret transige un peu avec ses principes : s'il affirme ultérieurement que le « béton se suffit à lui-même », il habille ici la façade de plaques de travertin et le cadre de scène de plaques de marbre de l'Allier, où sont intégrés plusieurs bas-reliefs en partie basse de l’édifice, de gauche à droite, cinq allégories des arts : La Sculpture et l’Architecture, La Musique, La Tragédie, La Comédie et La Danse, en marbre blanc par Bourdelle[3],[4]. Les quatre groupes de poteaux intérieurs sont laissés visibles. La façade est classée aux monuments historiques par arrêté du [5].
La Sonate dans la salle.
Le Conseil d’État décide le que la surélévation de 1 000 m2 pour le restaurant devait donner lieu à un permis de construire et pas seulement une déclaration de travaux ; ce restaurant n'existe toujours pas administrativement[6].
La décoration intérieure du théâtre comporte quelques œuvres de Bourdelle (bronze et fresques). Maurice Denis réalise la décoration de la coupole de (1910-1912) : L'Orchestique grecque, L'Opéra, La Symphonie, Le Drame lyrique, séparés par des tondi illustrant Le Chœur, L'Orchestre, La Sonate et L'Orgue[7]. Les peintres Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel[8], Jacqueline Marval[9], et Raphaël Drouart[10] contribuent également au décor. Les luminaires et les vitraux sont réalisés par René Lalique, qui crée 62 pièces originales pour le théâtre[11].
Bas-relief de la façade par Antoine Bourdelle.
L'orgue de la salle.
Statut, gouvernance et budget
En 1922, Ganna Walska, après son mariage avec Harold McCormick, achète le théâtre des Champs-Élysées[12]. Elle déclare au Chicago Tribune « qu'elle a investi ses propres fonds, et non ceux de son mari »[13]. Jusqu'à la fin des années 60, Ganna Walska paye le déficit. C'est le seul théâtre à être coté en Bourse, mais toujours déficitaire. Ganna Walska change alors d'attitude et signe une promesse de vente à des promoteurs américains. Malraux s'en émeut et comme il est difficile d'envisager une expropriation, le gouvernement demande à la Caisse des dépôts et consignations d'intervenir provisoirement. En 1970, elle rachète donc 80 % des actions, l'État devant racheter ultérieurement le théâtre[14].
Le Théâtre des Champs-Élysées est une société anonyme à conseil d'administration, avec un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 9 M€[15] et un budget annuel d'une vingtaine de millions d'euros. La Caisse des dépôts et consignations verse une subvention à hauteur de 52 % des recettes[16]. La billetterie représente 33 % des recettes et les autres recettes propres (mécénat, location…) environ 15%.
Le conseil d'administration est présidé par Éric Lombard de 2020 à 2024, puis par Sophie Quatrehomme depuis 2025[17], et Raymond Soubie est président d'honneur. Michel Franck dirige le TCE depuis 2010.
C'est dans cette salle qu'eurent lieu en particulier deux créations mondiales qui firent scandale : la première fut la création du Sacre du printemps d'Igor Stravinsky le sous la direction de Pierre Monteux qui suscita un formidable tollé où détracteurs et adjuvants en vinrent aux mains ; la deuxième fut la création de la vraie première œuvre musicale « mixte » (une œuvre pour instruments de musique et dispositif électroacoustique) : Déserts d'Edgard Varèse le avec Pierre Henry à la bande magnétique et Hermann Scherchen à la baguette. Le choc inspiré par les interpolations provoqua huées, rires et quolibets. Le scandale qui en résulta fut comparable à celui du Sacre 41 ans et demi plus tôt.
En 1920, Jacques Hébertot loue la salle de la Comédie pour trois soirs (25-), engage un orchestre de 45 musiciens sous la direction de Désiré-Émile Inghelbrecht et présente les Ballets suédois qu'il a découvert lors d'une tournée en Scandinavie l'année précédente. Sans aucun décor, Jean Börlin, chorégraphe de la compagnie et compagnon de son directeur, le mécène Rolf de Maré, danse plusieurs compositions, notamment Danse céleste inspirée du Siam et Sculpture nègre d'inspiration cubiste où il se transforme en statue africaine. C'est un grand succès[19]. Rolf de Maré charge Hébertot de trouver à Paris une vaste salle pour y présenter de façon régulière ses Ballets.
À la suite de problèmes financiers, Hébertot se brouille avec Rolf de Maré et quitte le théâtre en 1925, abandonnant la direction de la Comédie à Louis Jouvet, celle du Studio à Gaston Baty. De Maré fait de la grande salle un music-hall et programme dès octobre une nouvelle attraction : les Black Birds et les danseurs de la Revue nègre. Parmi eux, une jeune femme noire, nue, à peine couverte d’une jupette de plumes verte, les cheveux courts plaqués sur la tête, fait sensation. Il s’agit de la danseuse Joséphine Baker. Sa façon de se mouvoir dans l’espace, d’emprunter des gestes animaliers ou de faire des grands écarts désarticulés bouscule tous les canons de la danse. Pour certains, cette impudeur est un scandale. Le journaliste Robert de Flers écrit : « Nous sommes en train de remonter au singe plus vite que nous en étions descendus. » Mais Baker a ses fans. Parmi eux, les peintres Pablo Picasso, qui la fait connaître dans toute l’Europe, Fernand Léger, Kees Van Dongen, les écrivains René Crevel, qui revient chaque soir pendant un mois, Colette ou Jean Cocteau. Née à Saint-Louis, dans le Missouri d’une mère blanche et d’un père noir, Joséphine Baker échappe par la danse à sa condition. Avec la Revue nègre, elle débarque en France, qui deviendra sa terre d’accueil, son « deuxième amour » avec son pays[20].
En 1984, à l’initiative de Pierre Lebailliff de la CDC et de Georges Francois Hirsch alors directeur général, une rénovation intégrale de la cage de scène est décidée ainsi que la rénovation des parties publiques classées.
La rénovation s’achève avec beaucoup de retard dû au dépôt de bilan de la principale entreprise chargée de la modernisation de la cage de scène. Lors de la réouverture au public en est programmé le Benvenuto Cellini qui avait également ouvert le théâtre à l’inauguration en 1913.
Les incidents techniques récurrents dus au système électromécanique de machinerie scénique, amènent la direction du théâtre avec le soutien de la CDC à décider de l’installation d’un nouveau système de machinerie scénique hydraulique novateur, encore utilisé quotidiennement aujourd’hui. Les cintres sont dotés d’un système hydraulique, la scène est également mécanisée ainsi que la fosse d’orchestre, permettant une alternance des spectacles bien plus rapide et efficace. Pour les mêmes raisons, la Comédie Française se dotera avec succès de certains de ces équipements lors de sa rénovation deux ans plus tard. Cette rénovation sera réalisée sans fermeture de l’établissement durant quatre inter-saisons d’été, ce qui est une première mondiale.
En 2005, une rénovation de la salle est entreprise pour corriger une acoustique jugée « trop dure »[21]. Selon un rapport du ministère de la Culture, deux tiers des places offrent des conditions satisfaisantes de visibilité[22]. En 2008, son directeur Dominique Meyer fait remplacer la moquette de l'orchestre et de la corbeille par du parquet, afin d'améliorer l'acoustique de la salle. Un nouveau décor de concert en bois est conçu, la fosse d'orchestre et les dessous de scène sont réaménagés.
En 2010, 50 théâtres privés parisiens réunis au sein de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et du Syndicat national des directeurs et tourneurs du théâtre privé (SNDTP), dont font partie le Théâtre[23], la Comédie[24] et le Studio des Champs-Élysées, décident d'unir leurs forces sous une enseigne commune : les Théâtres parisiens associés.
La même année, Michel Franck, directeur associé chez Jeanine Roze Production, est nommé directeur général du théâtre pour une durée de cinq ans, en remplacement de Dominique Meyer parti diriger l'Opéra de Vienne.
Jouvet en part en 1934 pour le théâtre de l'Athénée. Jean Sarrus lui succède, puis Roger Capgras en 1936. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Comédie reste un théâtre sous la responsabilité de la Société des Auteurs. En 1944, Claude Sainval et Roland Piétri dirigent ensemble le théâtre jusqu'en 1948. Claude Sainval reste seul directeur jusqu'en 1977, ajoutant la direction du Studio à ses prérogatives à partir de 1966. Guy Descaux le remplace jusqu'en , suivi de Jacqueline Cormier puis du metteur en scène Michel Fagadau qui dirige la Comédie et le Studio de 1994 à sa mort, en 2011[26]. Sa fille, Stéphanie, prend sa succession.
En 1923, Jacques Hébertot décide de transformer la Galerie Montaigne où sont organisées des expositions (dont la première consacrée à Modigliani et les premières manifestations dada) en une salle de spectacles destinée au théâtre d'essai. L'aménagement est confié à Louis Jouvet, la direction artistique à Kommisarjevski puis Gaston Baty du au .
↑Événement réitéré le 8 avril 2013 pour les cent ans des lieux. Cf. A. H., « Théâtre des Champs-Élysées : 100 ans et une bougie Eiffel ! », Le Figaro, lundi 8 avril 2013, p. 15.
↑Article d'Antoine Banès, Le Figaro du 27 mars 1920.
Geneviève Latour, Florence Claval (études réunies par), « Grand Théâtre des Champs-Élysées », dans Les théâtres de Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris. Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Association de la régie théâtrale, (ISBN2-905118-34-2), p. 198-201
Geneviève Latour, Florence Claval (études réunies par), « La Comédie des Champs-Élysées », dans Les théâtres de Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris. Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Association de la régie théâtrale, (ISBN2-905118-34-2), p. 201-205
Geneviève Latour, Florence Claval (études réunies par), « Le Studio des Champs-Élysées », dans Les théâtres de Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris. Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Association de la régie théâtrale, (ISBN2-905118-34-2), p. 205-208
Marc Veron, « Janus ou les deux faces de l’investissement théâtral de 1864 à 1914 », dans Le Mécénat littéraire aux XIXe et XXe siècles, Anne Struve-Debeaux (dir.), Paris, éditions Hermann, 2019.
Le Théâtre des Champs-Elysées est ouvert !, éditions Verlac, 2013, 662 p.
Bernard Marrey, La Naissance du théâtre des Champs-Elysées 1910-1922, éd. Picard, 2007.
Louis-François Delisle de la Drevetière, Le théâtre des Champs-Élysées, 1912.