La transition écologique, concept élaboré par Rob Hopkins[1], regroupe un ensemble de principes et de pratiques formés à partir des expérimentations et des observations d'individus, de groupes, de villages, villes ou communes, lorsqu'ils ont commencé à travailler sur les problématiques de résilience communautaire, d'économie en boucle et de réduction des émissions de CO2. Ces principes ont été déclinés dans les domaines de l'agriculture (permaculture), des usages dans les villes (mouvement des villes en transition) ou plus généralement à travers le principe écologique de résilience.[pas clair]
Changer le niveau de production, répartition et consommation d'énergies dépend des évolutions techniques, des prix et de la disponibilité des ressources énergétiques, mais aussi d'une volonté des acteurs : populations, gouvernements, entreprises, etc. pour réduire les effets négatifs du secteur sur l'environnement. Les définitions et scénarios de transition énergétique présentés (par des institutions scientifiques, nationales[3], ou des ONG) proposent souvent de passer du système énergétique actuel, reposant sur des ressources non renouvelables, vers un mix énergétique utilisant principalement des ressources renouvelables. Ce passage nécessite de remplacer, autant que possible, des combustibles fossiles, par des sources d'énergies renouvelables (mais souvent intermittentes) dans de nombreuses activités humaines (éclairage, transport, chauffage, industrie, etc.).
De nécessaires changements de comportements
Un manifestant lors de la marche pour le climat à Paris, en .
Pour encourager et accompagner les changements de comportement en France, l'Ademe a publié en 2016 un ouvrage intitulé Changer les comportements, faire évoluer les pratiques sociales vers plus de durabilité[4] qui propose des bases (concepts et conseils pratiques)[Lesquelles ?] à tous ceux qui travaillent sur le changement de comportement des individus et des ménages au service de la transition écologique, en présentant comment des disciplines telles que les sciences humaines et sociales (psychologie, économie, sociologie, etc.) abordent ce sujet de manière complémentaire. Le livre liste aussi les outils existant pour les acteurs publics et associatifs pour l'information, la sensibilisation, marketing, les nudges (incitations économiques, législation, etc.), utilisables à différentes échelles territoriales.
L'Éducation nationale prend aussi sa part dans ce changement profond de la perception de notre rapport à la nature. Longtemps il s'est agi d'une Éducation à l'environnement et au développement durable. Le terme « Transition écologique » n'est cependant toujours pas explicitement présent dans les programmes. Seule apparition, les Instructions officielles de Seconde de Géographie sont centrées sur l'idée de « Monde en transition »[5] , dans une interprétation de ce concept commune à toutes les sciences humaines[6].
Le laboratoire d'idée The Shift Project estime que la technologie seule ne pourra sauver le monde, et que la sobriété, énergétique et matérielle sera essentielle[p 1]. Les pistes qu'il préconise consistent à « ne rien faire de mal », puis à « bâtir une administration territoriale au service de la transition écologique et de la résilience ». Il convient de travailler sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire de telle sorte que la place de la voiture soit réduite et l'artificialisation des sols ralentie[p 2],[7], et de rendre les territoires résilients en matière alimentaire, économique et de santé[p 3]. Il faudrait en outre « dégonfler les grandes villes au profit des villages et des villes moyennes »[8],[p 4],[9]. Le WWF prône la mise en place d'une planification écologique[10].
En 2008, le collectif Trapese a publié une critique intitulée The Rocky Road to a Real Transition à laquelle Hopkins a répondu. Le débat portait en partie sur la façon dont le changement social est pris en compte[15].
Le Dictionnaire de la pensée écologique présente quant à lui deux définitions de la « Transition », reflet des débats autour de ce terme[16]. Le premier affirme la dimension téléologique de la Transition écologique, comme avenir inéluctable si l'humanité veut échapper au chaos des dérèglements qu'elle a déclenchés. Le second replace la transition dans le champ des sciences humaines, comme simple outil d'analyse de mécanismes de tous ordres (démographie, politique, économie…) avec des étapes, des champs d'application.
The Shift Project définit les « sept péchés territoriaux » de la transition écologique : ignorance, technosolutionnisme, cloisonnement, désinvolture, perfidie, agitation, irresponsabilité[p 5],[p 6]. Autrement dit, selon le laboratoire d'idées, il faut s'informer des enjeux, tout ne se résout pas par la technique, la sobriété a un rôle à jouer, tous les sujets sont intriqués, il faut éviter de se disperser, et ne pas mettre en place des actions dont on sait qu'elles n'aboutiront pas, et agir de manière responsable[p 5]. Les villes et territoires étant tous différents, The Shift Project ne propose pas de recette unique pour enclencher cette transition, mais fait une liste de recommandations sur l'attitude à adopter pour y parvenir[p 7] :
la connaissance des enjeux climatiques pour les populations, entreprises, et décideurs politiques, avec des actions de formation et des bilans carbone, afin de s'assurer d'une coopération maximum de tous les acteurs locaux ;
une concertation élargie des décisions impliquant les entreprises, associations et citoyens, afin de s'assurer que les décisions soient comprises et acceptées par toutes les parties prenantes concernées ;
la solidarité, c'est-à-dire la prise en compte des inégalités sociales et territoriales dans les efforts de transition énergétique comme dans les conséquences du changement climatique, qui passe par l'amélioration du lien social et l'inclusion des plus vulnérables ;
l'audace de remettre en question ses manières d'agir, d'en expérimenter de nouvelles, d'accepter de prendre le risque de se tromper et de continuer de se remettre en question ;
la cohérence des politiques publiques et des actions locales avec une vision sobre et résiliente du territoire. Cela implique de dialoguer et d'anticiper des modalités d'arbitrage lorsque des compromis sont parfois impossibles ;
prendre la responsabilité de mettre les enjeux climatiques et de transition énergétique au plus haut niveau des priorités politiques.
L'historien Jean-Baptiste Fressoz considère que la transition écologique ou énergétique, au sens propre du terme « transition », n'a jamais existé, ni sur le plan historique, ni dans les trajectoires actuelles. Il s'attache à déconstruire l'idée d'un passage linéaire entre des « âges » énergétiques « du bois au charbon, puis au pétrole, puis au nucléaire, puis aux énergies propres et vertes », soulignant que dans l'histoire, les sources d'énergie ne se succèdent pas, mais s'additionnent, dans une logique d'expansion matérielle continue. Ainsi, la révolution industrielle n'a pas remplacé le bois par le charbon : elle a accru la consommation des deux. De même, selon lui, le pétrole n'a pas supplanté le charbon, mais s'est ajouté à lui pour répondre à des usages nouveaux, tout en restant dépendant des infrastructures charbonnières[17]. Fressoz critique la vision technophile et rassurante d'un remplacement rapide des énergies fossiles par des alternatives « vertes », qu'il considère comme une illusion entretenue par les discours politiques et prospectifs depuis les années 1970. Il souligne que les projections actuelles ne montrent aucun basculement énergétique avant 2050, et que les consommations de charbon, gaz et pétrole restent stables ou en hausse. Pour lui, la notion de transition masque la réalité d'une croissance matérielle soutenue et empêche de penser une véritable sobriété, fondée sur la réduction des usages et des infrastructures plutôt que sur leur verdissement technologique ; il faudrait entrer dans une ère de décroissance matérielle[18],[19].
Critique du terme
Le terme de « bifurcation » est parfois privilégié au terme de « transition », afin de marquer davantage la profondeur de la transformation qui doit être impliquée[20].
↑ a et bLaurent Delcayrou et Corentien Riet, The Shift Project, Vers la résilience des territoires : Pour tenir le cap de la transition écologique, Éditions Yves Michel, (ISBN978-2-36429-217-8), p. 182-183.
↑Manuel de Transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale (trad. de l'anglais), Montréal/Escalquens, Les Éditions écosociété, , 216 p. (ISBN978-2-923165-66-0).
↑Jean-Baptiste Fressoz, « Pour une histoire désorientée de l'énergie », 25e Journées Scientifiques de l'Environnement - L'économie verte en question, (HALhal-00956441).
Line Touzeau-Mouflard, « La transition écologique, nouveau lieu commun du droit de l'environnement ? », Revue juridique de l'environnement, 2023/HS22 (volume 48), p. 417-426 (lire en ligne).
Sémir Badir, « La transition écologique : valeurs aspectuelles », Actes Sémiotiques, 2024, p. 1-14 (lire ne ligne).
Sur la mise en œuvre de la transition
Claire Lamine, Jean Marc Meynard, Nathalie Perrot, Stephane Bellon, « Analyse des formes de transition vers des agricultures plus écologiques : les cas de l'agriculture biologique et de la protection intégrée », Innovations Agronomiques, INRAE, , p. 483-493 (HALhal-02667262, lire en ligne).
Rob Hopkins, Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Écosociété, DG diff., , 211 p. (ISBN978-2-923165-66-0).
Tim Jackson, Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable, De Boeck-Etopia, , 247 p. (ISBN978-2-8041-3275-0).
Lydie Laigle, « Pour une transition écologique à visée sociétale », Mouvements, no 75, , p. 135-142 (lire en ligne).
Dominique Bourg et Bettina Laville, « Transition écologique, plutôt que développement durable », Vraiment durable, no 1, , p. 77-96 (lire en ligne).
Cécile Désaunay et François de Jouvenel (dir.), Produire et consommer à l'ère de la transition écologique [rapport vigie 2014], Futuribles, (lire en ligne), (synthèse).
Raphaël Stevens et Pablo Servigne, Comment tout peut s'effondrer. Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes, éditions du Seuil, collection « Anthropocène », 2015, 296 p.
Malou Delplancke, Sylvain Picard, Camille Patillon et al., « Transition écologique : du défi scientifique au défi pédagogique », VertigO, vol. 21, no 3, (DOI10.4000/vertigo.34621).
Laurent Delcayrou et Corentin Riet, The Shift Project, Vers la résilience des territoires : Pour tenir le cap de la transition écologique, Éditions Yves Michel, mars 2022 (ISBN978-2-36429-217-8), 200 p.
Vincent Mignerot, L'Énergie du déni : comment la transition énergétique va augmenter les émissions de CO2, Rue de l'échiquier, octobre 2021 (ISBN978-2-3742-5279-7).
Elodie Briche, Trajectoires de transition écologique - Vers une planification dynamique et adaptative des territoires, Quae, , 312 p. (ISBN978-2-7592-3767-8, lire en ligne).