Dans l'entre-deux-guerres, il participe à la guerre du Rif au Maroc, où il est de nouveau blessé. Il effectue ensuite une carrière d'officier d'état-major et de commandant de régiment.
Jean de Lattre de Tassigny alors lieutenant au 12e Dragon, en 1914.
En 1912, il est sous-lieutenant, affecté au 12e dragons à Pont-à-Mousson puis sur le front[6],[2]. Il est blessé une première fois le [2] par un éclat d'obus[3] au cours d'une reconnaissance. Le , il est blessé d'un coup de lance[2],[3] d'un uhlan bavarois en chargeant à la tête de son peloton de dragons, puis rapatrié à Montauville. Affaibli par sa blessure, obligé de se cacher dans la cave d'une maison occupée par les Allemands, à Pont-à-Mousson, il est sauvé de la capture par un officier du 5e régiment de hussards en mission de reconnaissance, le sous-lieutenant Schmeltz [réf. souhaitée].
Jeune lieutenant d'infanterie, il rend visite à Georges Clemenceau (1841-1929) également né à Mouilleron-en-Pareds, qui le voyant s'éloigner, dit à son fidèle Albert Boulin : « Regardez-le bien, celui-là, et souvenez-vous de lui. Il ira loin, très loin[7]. »
En 1919, il est affecté à la section franco-américaine à Bordeaux, puis au 49e régiment d'infanterie à Bayonne[2]. De 1921 à 1926, il est envoyé au Maroc, où, de 1922 à 1923, il participe à des opérations en Haute Moulouya et à Taza[3], puis durant la guerre du Rif[4] consécutive à la révolte d'Abdelkrim (1925-1926), devient chef d'état-major de la région de Taza[2],[3]. Il est de nouveau blessé en opération, reçoit trois citations[6] et est nommé chef de bataillon[2].
Le , Jean de Lattre, ami du « Tigre » et son épouse, sont — en qualité de résidents de Mouilleron-en-Pareds — parmi les rares Vendéens catholiques à assister aux obsèques civiles de Georges Clemenceau au « Colombier » de Mouchamps (Vendée).
Jean de Lattre de Tassigny, le plus jeune général de brigade de l'armée française en 1939.
Promu général de brigade, le — alors le plus jeune général de France[6],[3],[2] —, il est chef d'état-major de la 5e armée[2], le [3]. Le , il prend le commandement de la 14e division d'Infanterie, la Division des As, qu'il dirige pendant les affrontements avec la Wehrmacht à Rethel[2],[3], où sa division résiste pendant un mois[4], repoussant par trois fois les Allemands devant l'Aisne[6],[3], faisant 2 000 prisonniers[2], continue à se battre jusqu’à la Champagne, à Mourmelon, puis se replie en menant des combats de retardement, sur la Marne, l'Yonne, la Loire et Nevers[2],[3]. La division conserve sa cohésion militaire tout au long des combats et malgré la défaite[6].
Armée de Vichy
Après l'armistice, il reste dans l'Armée de Vichy et, de à , il est adjoint au général commandant la 13e division militaire à Clermont-Ferrand[2] et commandant militaire du Puy-de-Dôme[9]. Le découragement des troupes est alors profond, il s'emploie à restaurer la confiance des soldats, par la discipline[10]. À cette époque, il pense que le régime du maréchal Pétain défend l'intérêt national et se soumet à ses directives[11]. S'intéressant à la jeunesse, il organise, en dehors des Chantiers de jeunesse, ses propres chantiers et une école de cadres militaires dans le village et le château d'Opme (près de Clermont-Ferrand) — qu'il fait reconstruire par des étudiants alsaciens réfugiés et des soldats[12] —, avec pour but de « produire des chefs » pour une armée apte au travail d'équipe et d'étendre cette expérience à toute l'Armée d'armistice[13]. À la mort du secrétaire d'État à la Guerre dans le Gouvernement Darlan, le général Huntziger, en , de Lattre tente, sans succès, d'obtenir ce poste[14]Promu général de division, il est commandant en chef des troupes de Tunisie, où il crée une autre école de cadres, à Salammbô (quartier de Tunis)[2],[3]. Il n'y reste que quatre mois, de fin au , rappelé alors en métropole, à la demande des Allemands, pour avoir refusé de ravitailler l'Afrika Korps[6]. Par la suite, en 1942, il commande la 16e division militaire à Montpellier[6],[15],[4], est promu général de corps d'armée[2] et crée de nouveau une école de cadres, à Carnon[3],[16]. Il conserve son poste dans l'armée d'armistice, malgré l'hostilité manifestée par les Allemands à son égard[15],[17] et le SOL de Montpellier qui le signale comme « sympathisant gaulliste »[6]. Contrairement à nombre de militaires de l'Armée de Vichy, de Lattre n'a jamais été décoré de la francisque[18] et en particulier parmi les huit généraux commandants de division militaire, il est le seul à ne l'avoir pas été[6].
Le , le général Giraud, qui vient de s'évader de la forteresse de Königstein et qui commence à prendre des contacts pour ses projets d'avenir, rencontre de Lattre à Montpellier mais il le trouve « prudent et évasif »[19]. En , contacté par Jean Moulin pour prendre la tête de l'Armée secrète, de Lattre refuse[20]. À la même époque, il obtient pour le philosophe Jean Cavaillès, qu'il estime, un droit de visite, qui lui permet d'obtenir les livres nécessaires à la rédaction de son livre Sur la logique et la théorie de la science[21].
Lorsqu'en septembre-, les Alliés préparent l'établissement d'un deuxième front en Afrique du Nord, alors qu'ils sont désireux de s'entendre avec Vichy qui contrôle la région afin que les Français n'opposent pas de résistance, cherchant donc un chef avec qui traiter pour mettre sur pied les opérations, Weygand ayant refusé, le nom du général de Lattre est évoqué, parmi d'autres (militaires ou politiques) ; il n'est toutefois pas retenu[22].
En , il commande l'armée B — qui deviendra la 1re armée française le [35] —, constituée par l'amalgame, réalisé le , d'éléments des Forces françaises libres et de l'armée d'Afrique et de volontaires[2]. Fidèle à ses principes, il met sur pied un centre d'entraînement de cadres, à Douera (près d'Alger)[3],[36]. Cette armée libère l'île d'Elbe[2],[3] les 17 et [37].
Débarquement en Provence et remontée du Rhône
Comme commandant de l'armée B, il participe aux préparatifs de l'opération Anvil-Dragoon avec les Alliés qui, liée à l'opération Overlord, fait partie des offensives à l'ouest visant à refouler les Allemands jusqu'au Rhin[38]. Les forces prévues pour cette opération, placée sous le commandement du général Patch, sont constituées en grande partie des sept divisions de l'armée de Lattre (256 000 hommes[35]) et de trois divisions américaines, des forces spéciales et aéroportées de la 7e armée[39].
Avec les Américains du 6e corps de la 7e armée, de Lattre et ses commandants de corps d'armée, les généraux Béthouart et de Larminat (remplacé[40] par la suite par de Monsabert), débarquent en Provence, à partir du [41],[42], prennent, avec la participation d'éléments des Forces françaises de l'intérieur (FFI), Toulon le [43] et Marseille le [43], avec presque un mois d'avance sur les prévisions[3]. La prise de ces deux ports, par l'augmentation des capacités d'accueil en hommes et matériel qu'elle constitue par rapport au front de Normandie, apporte un avantage décisif pour la suite des opérations sur le front de l'Ouest[44].
En incorporant à son armée nombre d'éléments issus des FFI, de Lattre parvient à augmenter notablement ses effectifs (de 137 000 hommes)[46] ; dès lors son armée compte près de 400 000 hommes. À partir de , l'Armée de la Libération est un « heureux amalgame de l'armée d'armistice, de la France libre et des Forces françaises de l'intérieur […][47] ». Cet amalgame, dans la droite ligne de la formation de l'armée B est poursuivi dans la 1re armée avec les forces issues de la Résistance et s'avère être un succès[48].
Campagne Rhin et Danube
Affiche de De Lattre de Tassigny annonçant la victoire, le (photographiée à Strasbourg en 1979).
La contre-attaque allemande sur les Ardennes (du au ), qui stoppe momentanément l'avance des Alliés et les fait reculer, oblige Eisenhower à déplacer des troupes pour tenir le front et à envisager l'éventualité d'une retraite sur les Vosges en abandonnant l'Alsace et Strasbourg[51]. Pour de Gaulle, qui considère que ce serait « un désastre national irréparable », il n'est pas question de laisser les Allemands reprendre l'Alsace et surtout Strasbourg, ville symbole, qui a été libérée par la 2e DB du général Leclerc, le [51]. Sur le terrain, de Lattre et son supérieur américain, le général Devers, commandant du 6e groupe d'armées dont dépend la 1re armée française depuis , sont aussi d'accord pour ne se retirer de la région qu'en cas d'extrême nécessité[51]. Pendant que de Gaulle finit de convaincre Eisenhower, le , dans une réunion à haut niveau à laquelle assiste Churchill, et malgré un ordre de repli — dont il n'a connaissance que le — dû à une nouvelle attaque allemande le sur Sarreguemines, sur Bitche et depuis Colmar, de Lattre donne l'ordre de défendre Strasbourg, anticipant l'ordre de De Gaulle « avec une convergence parfaite » et l'accord d'Eisenhower, de vingt-quatre heures[51]. La 1re armée parvient à se maintenir dans Strasbourg et ses alentours, en dépit de lourdes pertes.
À sa demande de renforts, le général Devers décide, le , de placer les quatre divisions du 21e corps d'armée américain du général Milburn sous les ordres du général de Lattre[51] faisant de lui le seul général français de la Seconde Guerre mondiale à commander de grandes unités américaines[52]. L'armée de Lattre, participe, à partir du , à la réduction de la poche de Colmar[2],[3],[51]. La ville est libérée le [53].
Le , le général de Lattre décide la création d'une nouvelle école de cadres, à Rouffach, afin d'assurer la formation de FFI recrutés durant la campagne[54]. Cette école, implantée à Strasbourg en 1946, deviendra l'École militaire de Strasbourg[55].
Les victoires du général de Lattre déclenchent alors un vent de panique à Sigmaringen où les exilés de Vichy, dont Laval, commencent à organiser leur fuite ; ce mouvement s'accélère avec l'avancée des Alliés[56].
De Lattre entre en Allemagne, après avoir franchi le Rhin, les 30-[2],[3] suivant en cela les ordres de De Gaulle, du , qui lui enjoignent de prendre Karlsruhe et Stuttgart, malgré les plans américains[57]. La 1re armée déborde la ligne Siegfried, pénètre en Forêt-Noire, prend Karlsruhe ()[58] et Stuttgart[3], après de durs combats durant lesquels elle réduit quatre divisions allemandes et fait 9 000 prisonniers[57]. Cet épisode est l'objet d'un nouvel affrontement entre Eisenhower et de Gaulle qui demande instamment à de Lattre, le ,
« de maintenir une garnison française à Stuttgart et d'y instituer tout de suite un gouvernement militaire, quoi que puissent dire et penser les Américains »[57]. Devers proteste mais le général de Lattre, tout en maintenant ses troupes sur place et en laissant toutes facilités aux Américains, lui répond que la décision est du ressort des gouvernements[57]. L'incident est clos le , le nouveau président américain, Harry Truman, ne souhaitant pas le développement de tensions entre les Alliés au moment où la capitulation de l'Allemagne approche[57].
L'armée de Lattre poursuit sur Sigmaringen, prise par les Français le , puis Ulm sur le Danube ()[57], atteint la frontière suisse de Bâle à Constance[3]. La campagne dite « Rhin et Danube » s'achève au col de l'Arlberg, en Autriche[2],[3].
En octobre-, il effectue une mission diplomatique et économique en Amérique latine durant laquelle il a des entretiens avec le président argentinPerón, le président chilienVidela, le président uruguayenBerres et le président brésilienDutra, ainsi que de nombreux ministres et hauts responsables de ces pays ; il y rencontre également les représentants des communautés françaises et prononce de nombreuses conférences[60].
Il retourne en Indochine, le , alors qu'une nouvelle attaque du Viet Minh vient d'être repoussée à Nghia Lo, en pays Taï[61].
De Lattre doit alors rentrer en France pour participer à la conférence des États associés[2] et faire un compte rendu de la situation en Indochine[3]. Il la quitte définitivement le , après être allé saluer ses soldats à Hoa Binh où une opération aéroportée vient de se dérouler la veille[61].
Maréchal de France
Épuisé par le surmenage auquel il s'est astreint tout au long de sa carrière et que n'a pas arrangé sa blessure reçue en 1914, très affecté par la mort de son fils Bernard — tué au combat à Ninh Binh, le [2],[3] —, et atteint de métastases à la hanche, il meurt à Neuilly-sur-Seine le des suites d'une opération.
Nota : la médaille militaire se porte avant la Légion d'honneur pour les officiers généraux ayant commandé au front ; selon la Grande Chancellerie, aucun texte officiel n'existe à ce sujet et il s'agit là d'une simple habitude.
↑Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, mon mari, t. II,op. cit., p. 331-348.
↑Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, mon mari, t. II,op. cit., p. 349, 358-361.
↑L'éloge funèbre est prononcé devant l'Assemblée nationale, par le président Édouard Herriot, et suivi du vote de la loi no 52.52 du , dont le texte, proclamé ensuite au Conseil de la République par le président Gaston Monnerville, déclare : « Le général d'armée Jean de Lattre de Tassigny a bien mérité de la patrie. » et autorise le Gouvernement à lui conférer la dignité de maréchal de France.
↑Mathieu Garnier et Étienne Quiqueré, « Ces 200 personnalités sont les stars des rues françaises », Slate.fr, (lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, Paris, CAL (Club des amis du livre), (1re éd. : Grands dossiers de l'histoire contemporaine ; Nouveaux grands dossiers de l'histoire contemporaine, Paris, Librairie Académique Perrin, 1962-1964), 494 p., « L'évasion de De Lattre de Tassigny », p. 263-283.
Robert O. Paxton (trad. Claude Bertrand, préf. Stanley Hoffmann), La France de Vichy – 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points-Histoire », (réimpr. novembre 1999) (1re éd. 1973), 475 p. (ISBN978-2-02-039210-5).
Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, mon mari, t. II : – , Paris, Presses de la Cité, 1972, 417 p.
Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, ma raison de vivre, Paris, Presses de la Cité, 1978, 418 p.
Raymond Cartier, Paris Match, dossier spécial « maréchal de Lattre », série de quatre numéros retraçant la vie du maréchal (articles parus à l'occasion de son décès et de son élévation à la dignité de maréchal de France) :
no 149, , première partie : naissance, enfance et premières années d'engagement militaire.
no 150, , deuxième partie : « La campagne de France. L'Occupation. Le Maquis ».
no 151, , troisième partie : « L'épopée de la 1re armée ».
no 152, , quatrième et dernière partie : « Son apothéose et son calvaire. L'Indochine ».
Jean Chaigne, Jean de Lattre de Tassigny, maréchal de France, Éditions Fernand Lanure, 1952.
Pierre Croidys, Jean de Lattre de Tassigny, maréchal de France, Paris, SPES, 1952, 197 p.
Michel Droit, De Lattre, maréchal de France, Pierre Horay, Éditions de Flore, 1952, 156 p.
René Thomasset, La Vie exaltante de Jean de Lattre de Tassigny, maréchal de France, Éditions Baudinière, 1952, 224 p.