2018-015
De Mi caja de notas
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— Gandhi
Art contemporain
Centre Pompidou - Reproduire
Quand on utilise le mot "reproduction" dans le champ artistique, on pense d’abord à la
question du "faux" -à la copie illégale d'une œuvre. Mais la "reproduction" d'une œuvre est
souvent utilisée par les artistes eux-mêmes -et constitue parfois une véritable stratégie
artistique.
Le terme "reproduction" est très courant dans les milieux du design et de l'architecture. Dès la fin du 19e siècle (1, 2, 3, 4 et 5), la production industrielle transforme radicalement le paysage contemporain, des architectures de bâtiments aux objets de la vie quotidienne.
Le design est un domaine où l’on crée un objet en série, comme cette chaise de Thonet (6), parfois en plusieurs milliers voire millions d'exemplaires. Rapidement, les designers s'inspirent des évolutions en arts plastiques, voire collaborent avec des artistes. C'est notamment le cas avec les créateurs associés au mouvement De Stijl ou à celui du Bauhaus allemand, mais on retrouve ce dialogue de manière récurrente les années suivantes (7, 8, 9 et 10).
Ces dernières années, en réaction contre l'invasion d'objets fabriqués en grande série et sans conscience écologique, on observe un retour à des séries limitées, produites dans le respect du développement durable. David Trubridge (11) est un des designers emblématiques de ce type de production "consciente" qu'on nomme le "Slow-Design" (12).
En photographie, on parle aussi très souvent de reproduction. Àpartir d'un négatif unique,
le photographe obtient, à l'infini, des tirages, c'est-à-dire des reproductions (13 et 14)
de cette matrice originale que constitue le négatif (15 et 16). Ces tirages peuvent présenter différentes variantes : de format, de cadrage, de tonalité, de contraste, par exemple. Ces images sont parfois elles-mêmes reproduites dans des publications, des magazines, ou
dans des livres utilisées à des fins commerciales.
La photographie permet également de reproduire des œuvres d'art : les images obtenues sont dès lors utilisées comme supports d'information : c'est le cas, notamment, des collections de musées en ligne.
La reproduction photographique permet également de documenter les différentes étapes de la réalisation d'une œuvre d'art. Par exemple, en 1937, Dora Maar photographie Pablo Picasso lors de la peinture de Guernica, dans l'atelier des Grands Augustins à Paris (17, 18, 19 et 20).
La reproduction fait également référence à un processus, voire à une véritable stratégie artistique. Au début du 20ème siècle, le développement sans précédent d'objets produits en série, crée un tout nouvel environnement. Dès lors, les artistes d'avant-garde engagent une réflexion sur la notion de reproduction. Les créations qui en résultent remettent en question la notion d'original : elles changent aussi le statut de l'auteur, en tant que producteur d'unicité d'une œuvre d'art. Un des artistes pionnier, qui a le plus pensé la notion de reproduction est sans doute Marcel Duchamp (21).
Au tout début du 20e siècle, Marcel Duchamp cherche à rompre avec la pratique artistique traditionnelle en élaborant une nouvelle manière de créer de nouveaux objets, de transformer ce qui est alors considéré comme Art. Il opte pour une solution (22) : supprimer le travail de la main, et élaborer un nouveau style et une nouvelle méthode qui repose entièrement sur des procédés mécaniques. Les deux grandes stratégies de cet artiste seront donc l'appropriation et la duplication.
A partir du début des années 1910, Duchamp commence à extraire des objets de la vie quotidienne : un morceau de chaise, une roue de bicyclette (23), un urinoir... Il les intègre à des peintures, ou les expose comme des sculptures : ce sont, selon ses propres termes, des «readymades » (24). Objets issus de l'industrie, ces objets, sont produits en série : le ready-made est donc potentiellement, reproductible par d'autres que Duchamp.
Par ailleurs, Duchamp commence à élaborer un inventaire miniature de ses propres créations : il crée des boîtes (25) qui contiennent des reproductions de ses œuvres, imprimées ou en miniature. La première boîte est constituée au début de l'année 1941. De 1942 à 1966, Duchamp, aidé de nombreux assistants, produit trois cent douze exemplaires de sa Boîte, dont vingt exemplaires de luxe. Chacun d’entre eux renfermant un original.
Les années suivantes, Duchamp joue constamment sur l'ambiguïté de la notion d'œuvre originale, de reproduction ou de réplique. Il fait diverses variantes, ou fac-similés, qu'il signe parfois « copies conformes » ou « copies non conformes ».
Il s'interroge en particulier, tout au long de sa carrière, sur ce qu'il nomme « l'inframince », soit ces infimes différences qui constituent les copies.
S’il y a bien un autre artiste majeur, d’ailleurs héritier de Marcel Duchamp, qui a particulièrement pensé la reproduction, c’est sans aucun doute l’américain Andy Warhol (26). Il vient du milieu de la publicité, et cette première carrière influera sur sa conception de l'art et de ses liens avec la notion de reproduction (27). Il développera ce thème des années 1960 jusqu'à la fin des années 1980. L'œuvre Ten Lizes (28), qu'il réalise en 1963, témoigne bien de cette démarche : l'artiste, selon Warhol, doit être le plus passif et indifférent possible. Il reproduit ici, mécaniquement et en série, une image pré-existante, réalisée par un autre, qu'il s'est contenté de choisir.
En Europe, dans les années 1960, le Mechanical Art ou Mec'art est un courant artistique également très sensible aux thèmes de la reproduction et de sa signification dans l'art contemporain. L'exposition manifeste du Mec'Art est intitulée Hommage à Nicéphore Nièpce (29), un des inventeurs reconnus de la photographie (30). Elle est organisée par Pierre Restany, en 1965 à la galerie J à Paris. On peut y voir des œuvres qui jouent sur des techniques de reproductions photographiques ou sur des affiches publicitaires décollées.
Cette exposition réunit des artistes tels que Pol Bury, Rotella ou Alain Jacquet (31), un des représentant les plus importants de ce mouvement.
Au fil de ces exemples, vous avez pu voir toute l’importance du verbe reproduire : c’est une pratique qui se rencontre dans tous les arts. Éminemment liée à l’ère moderne des machines et des instruments de reproduction, de l’appareil photo à la photocopieuse, la reproduction nous introduit dans un monde moderne où l’image, mais aussi l’objet, peuvent être reproduits à l’infini. Et du coup la question de l’original et de l’authenticité de l’œuvre première perd beaucoup de son importance. C’est là un bouleversement majeur dans l’histoire des arts.
(1) Anonyme,
Le Creusot et ses usines
CC domaine public
(2) Anonyme, Carte postale Laiterie Henri Baron © Henri Prax à Marans © Tous droits réservés
(3) Anonyme, Carte postale Laiterie coopérative © Tous droits réservés
(4) Anonyme, Gravure de l'usine Caillaud,fin XIXe CC domaine public
(5) Anonyme, Vue d'ensemble de la Galerie des machines CC domaine public
(6) Michaël Thonet, Chaise Bistrot n°3, 1859 Photo ©Centre Pompidou, MNAM
(7)
Piet Mondrian,
New York City, 1942
Photo ©Centre Pompidou, MNAM
(8) Gerritt Rieteld, Fauteuil Red & Blue, 1976 1977 Photo © Centre Pompidou, MNAM
(9) Charlotte Perriand, Bibliothèque de la Maison du Mexique, 1952 Photo © Centre Pompidou, MNAM
(10) Isamu Noguchi, Lampe 10 A, vers 1955 Photo © : Centre Pompidou, MNAM