Le mot désigne l'âne domestique depuis le Xe siècle[4].
Par son origine, l'âne n'a pas de nom indo-européen. Celui-ci est un héritage du Proche-Orient qui s'est répandu dans les langues européennes à partir du latin. Ainsi le latin asinus, dérivé du sumérien anshu, est passé dans l'ensemble des langues, sauf dans le roumain. Seul le « A » accentué est présent dans l'ensemble des langues, comme asino en italien, asno en espagnol et portugais, ase en occitan et âne en français. Dans le langage familier, le terme « bourrique » est issu de l'espagnol borrico, dérivé lui-même du bas latin burricus désignant un petit cheval[7].
L'âne ne doit être confondu ni avec le mulet, hybride né d'un âne mâle et d'une jument[22],[23],[24], ni avec le bardot, hybride né d'un étalon et d'une ânesse[25],[26],[27].
Les caractéristiques générales des ânes sont celles des équidés[1],[2],[3],[28]. Ce sont des mammifères[1],[3] terrestres. Herbivores, ils consomment fréquemment des végétaux fibreux de qualité très médiocre[28]. Ce sont des onguléspérissodactyles[28], c'est-à-dire avec dans leur cas un doigt unique, avec des nuances pour chaque espèce : voir les articles détaillés pour plus d'informations sur leur comportement ou leur physiologie respective.
Les ânes partagent toutefois plusieurs caractéristiques communes à l'ensemble des espèces. Ils sont plus petits que les chevaux[1],[2],[28]. Leurs oreilles sont plus longues que celles des autres équidés[1],[2],[3],[28]. Bien irriguées, adaptées au désert, elles permettent le refroidissement du corps[29]. La queue ressemble à celle de la vache. Elle est pourvue de poils courts à l'exception de l'extrémité recouverte d'une touffe[29]. Leurs yeux sont plus dirigés vers l'avant que ceux des chevaux domestiques. Contrairement aux chevaux, les ânes ont des châtaignes quasiment inexistantes aux postérieurs[29]. Leur échine est saillante[1]. Les ânes ne possèdent pas de cinquième vertèbre lombaire comme on le retrouve dans le squelette des autres équidés[29]. Leurs sabots sont également caractéristiques. Plus verticaux, plus petits et plus durs que ceux des chevaux, ils n'ont pas besoin d'être ferrés, sauf s'ils travaillent[29]. Leur poil est long, rude et présente une grande variété de texture[29]. La crinière, au toupet quasiment inexistant, est courte, dressée sur l'encolure et ne dépasse que rarement les douze centimètres[29]. Leur robe est généralement grise sauf sous le ventre, le museau et le contour des yeux qui sont blancs. Des races domestiques peuvent être à dominante noire, comme le Grand noir du Berry, ou brun, comme le Baudet du Poitou, ou blanc, comme l'âne blanc d'Égypte. Les races grises comme l'âne de Provence ont aussi une bande cruciale qui se dessine sur leur dos, appelée « croix de saint André ». Les espèces sauvages présentent une robe allant du gris au brun-sable, voire brun-rouge chez le kiang ou âne sauvage du Tibet. Leur cri est le braiment qui est une sorte de « hi-han » assez strident et puissant absolument caractéristique.
Taxonomie
Pendant longtemps, l’on considérait les ânes comme un ensembles d’espèces éparses au sein du genre Equus, mais des études récentes ont montré des divergences nettes entre le groupe des chevaux (sous-genre Equus), des zèbres (Hippotigris) et des ânes :
Le cladogramme du genre Equus ci-dessous est basé sur Vilstrup et al. (2013) et Jónsson et al. (2014)[30],[31].
Certaines différences morphologiques, comme la tête, le cou ou les pattes, permettent de distinguer les espèces différentes[32] :
l'Âne commun (Equus asinus), c'est l'âne domestique issu de l'âne sauvage d'Afrique, qui se trouve aujourd'hui sur tous les continents. Il est donc aujourd'hui souvent présenté comme une simple sous-espèce de Equus africanus : Equus africanus asinus,
Selon les récentes études[Quand ?], il semblerait provenir d'Afrique, et sa présence à l'état sauvage est attestée dans la vallée du Nil dès le Paléolithique Moyen (en Nubie, à Khor Musa).
Si l'archéologie nous renseigne peu sur son utilisation à la fin du Néolithique, l'épigraphie nous en raconte davantage. Ainsi existait-il, aux côtés de caravanes constituées d'une dizaine de bestiaux, de larges convois (jusqu'à mille têtes) destinés à acheminer les grains sur plusieurs centaines de kilomètres.
À l'échelle de l'Histoire, l'âne demeure le second animal domestiqué mis au service du transport, après le bœuf. Sa présence en Égypte, en tant qu'animal domestique est effective dès le Ve millénaire av. J.-C. avant notre ère, à El-Omari, puis au début du IVe millénaire av. J.-C. à Maadi.
Très vite, l'âne devient l'animal de transport terrestre privilégié (bât, débardage, attelage) en raison de ses larges qualités contrastant avec quelques défauts facilement contournables. Intelligent, frugal, rapide (jusqu'à 5 km/h).
Néanmoins ses besoins journaliers en eau (quarante litres) et sa capacité de charge assez relative (entre cinquante et cent kilogrammes) ont très vite représenté des entraves non négligeables.
Transports par ânes
Chambre mortuaire des prêtres de Pinehesy, scène avec âne et agriculteurs Égypte antique, vers -1298,-1235.
Au XXe siècle en France, les patients du sanatorium de Berck sont véhiculés par des ânes.
Un homme et un âne reviennent du champ en Égypte. Janvier 2019.
L'âne et la protection des troupeaux de berger
Depuis longtemps, les éleveurs d'ovins entraînent spécialement des ânes « bergers » avec plus ou moins de succès pour protéger leur troupeau contre des prédateurs comme les coyotes, les renards et les chiens errants (leur efficacité contre les loups est plus sujette à caution, et nulle contre lynx et ours). Ils exploitent en effet son instinct grégaire naturel qui le porte à s'attacher aux ovins (technique d'imprégnation), et à son agressivité innée à l'encontre des prédateurs[34]. De plus, l'âne a un besoin d'entretien minime, a une bonne longévité et est compatible avec les autres méthodes de lutte contre les prédateurs (notamment les chiens patou ou les lamas également entraînés à cette fin). Enfin, il est capable de manger les feuilles des cardères ou les chardons et participe à l'intérêt environnemental du pastoralisme[35]. Cette utilisation ancestrale explique les nombreux contes qui font intervenir l'âne et le loup[36].
L'âne menacé au début du XXIe siècle
La gélatine de peau d'âne (ejiao) a été développé il y a environ 3 000 ans et est utilisé en médecine traditionnelle chinoise, et plus récemment dans les produits de beauté. La production d'ejiao s'est industrialisée au tournant du 21e siècle et dans les années 2020, la consommation d'ejiao équivaut à 4 à 5 millions de peaux par an, soit près d'un dixième de la population mondiale d'ânes. Le cheptel chinois a chuté de 11 millions au début des années 1990 à seulement 2 millions, et l'attention s'est alors portée sur les peaux africaines[37].
l'Afrique abrite en 2025 près des deux tiers des 53 millions d'ânes de la planète et la demande chinoise a démultiplié l'exportation d'ânes dont jusqu'à un tiers ont été volés. En 2024, l'Union Africaine a convenu d'interdire l'abattage de cet animal pour sa peau à l'échelle du continent .
Compagnon de l'homme depuis les temps les plus anciens, l'âne a très tôt été utilisé comme symbole. Mais c'est un animal à la symbolique ambiguë. Il peut en effet soit représenter le Bien et ses attributs sont alors l'humilité et la patience, soit le Mal et ce sont alors les adjectifs têtu, bête et borné qui le caractérisent[39]. Les Égyptiens associaient ainsi l'âne au dieu Seth, à la couleur rouge et à l'esprit du mal. Les chrétiens tiennent, d'un côté, l'âne en estime lorsqu'il est représenté dans la crèche ou lorsqu'il porte Jésus, mais d'un autre côté ils l'associent à la lubricité et à l'obscénité[40]. Dans la langue française, de nombreuses expressions et proverbes font aussi référence à l'âne. Il est ainsi utilisé pour personnifier l'ignorance, la bêtise, la folie, la disgrâce, la débauche, l'hébétude et l'entêtement[41]. C'est également un animal fortement représenté dans l'ensemble des arts. C'est ainsi le cas en littérature, où l'âne apparaît depuis les temps les plus anciens, comme dans les Fables d'Ésope ou dans les contes d'Apulée, chez les auteurs classiques comme Jean de La Fontaine, Victor Hugo, la comtesse de Ségur (Mémoires d'un âne) ou Alphonse Daudet, et jusqu'à nos jours avec Les Aventures de Pinocchio (qui se voit pousser des oreilles d'âne et se transforme même en âne), de Carlo Collodi, Le Petit Âne blanc de Joseph Kessel[40]. On le retrouve en peinture dans des scènes de vie rurale ou dans les sujets bibliques[40]. Plus récemment, il trouve aussi sa place au cinéma, et ce, aussi bien dans les films dramatiques comme dans Au hasard Balthazar, que dans les films d'animation avec le personnage de l'Âne dans Shrek[42]. Enfin, il est présent en musique comme dans la chanson d'Hugues Aufray, Le Petit Âne gris[40].
↑Louis Deroy, L'emprunt linguistique, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque de la faculté de philosophie et de lettres de l'université de Liège » (no 141), , 1re éd., XII-470 p., in-8o (16 × 25 cm), p. 49, n. 16 (lire en ligne) [consulté le 21 novembre 2016].
↑Julia T. Vilstrup, Andaine Seguin-Orlando, Mathias Stiller, Aurelien Ginolhac, Maanasa Raghavan, Sandra C. A. Nielsen et al., « Mitochondrial phylogenomics of modern and ancient equids », PLoS One, vol. 8, no 2, , e55950 (PMID23437078, PMCID3577844, DOI10.1371/journal.pone.0055950).
↑(en) Hákon Jónsson, Mikkel Schubert, Andaine Seguin-Orlando et Ludovic Orlando, « Speciation with gene flow in equids despite extensive chromosomal plasticity », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 111, no 52, , p. 18655–18660 (DOI10.1073/pnas.1412627111).
↑(en) Haskel J. Greenfield, Itzhaq Shai, Tina L. Greenfield, Elizabeth R. Arnold, Annie Brown, Adi Eliyahu et Aren M. Maeir, « Earliest evidence for equid bit wear in the ancient Near East: The "ass" from Early Bronze Age Tell eṣ-Ṣâfi/Gath, Israel », PLOS, (DOI10.1371/journal.pone.0196335).
↑La plupart du temps, l'âne gardien alerte le berger par ses cris d'alarme, affronte les prédateurs et les chasse du pâturage. Si ces prédateurs ne sont pas découragés, l'âne passe à l'attaque, mord l'agresseur ou se cambre sur ses pattes arrière et les frappe des deux pattes avant, pouvant les mettre à mort. Cette agressivité peut cependant se tourner contre les jeunes agneaux vus comme des étrangers.
↑Raymond Pujol, L'Homme et l'animal, Institut International d'ethnosciences, , p. 95
↑Nadine Jasmin, Naissance du conte féminin, Honoré Champion,
↑René Volot, L'esprit de l'âne : Mythes, symboles, traditions, Editions Cheminements, , 171 p. (ISBN978-2-914474-11-5, lire en ligne), p. 10
↑ abc et dAnne-Caroline Chambry, L'âne, le livre et l'enfant : La représentation de l'âne dans la littérature enfantine, Editions Cheminements, , 140 p. (ISBN978-2-84478-221-2, lire en ligne)
Victor Siméon, Anes & Mulets : Découverte et techniques d'entretien et de dressage, Paris, De Vecchi, , 192 p. (ISBN978-2-7328-9280-1)
Élisabeth Svendsen (trad. de l'anglais), La petite encyclopédie de l'âne, Paris, Vigot, , 180 p. (ISBN978-2-7114-2136-7).
Odile Gannier, Voyages avec un âne ou : Comment battre la campagne ? (Laurence Sterne, Tristram Shandy, Cervantes, Don Quichotte, Loxias (lire en ligne), partie 19
Michel Lompech et Daniel Ricard, Des ânes partout, pourquoi et pour quoi faire ?, Économie rurale (no 374), (lire en ligne), p. 17-34
Gérard Ponthieu, Le tour d’un monde en sept jours avec un âne en Provence, Le Condottiere, , 102 p. (ISBN979-8727987087, lire en ligne)