Fumio Sasaki
De Mi caja de notas
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Fumio Sasaki est l'auteur de l'essentiel et rien d'autre
Un auteur nippon / Une vie minimaliste / Renoncer à tout ?
Fumio Sasaki, l’art du vide
Faire mieux avec moins. Oui, à première vue, ça ressemble à un slogan facile pour marketeur plumitif à bout de souffle, à un défi pour marieur de qualitatifs et de quantitatifs. Mais Fumio Sasaki en a fait sa ligne de conduite, sa règle de vie. Comme on choisit l’essentiel, comme on se rend à l’évidence. Car ce plus très jeune trentenaire n’a rien d’un agitateur de concepts sonnants et trébuchants pour bobos bio béats de décroissance. Malgré lui, Sasaki est devenu l’un des chefs de file du minimalisme nippon qui gagne en audience sinon en disciples, et séduit en Occident. Son livre, paru en juin 2015, s’est vendu à plus de 160 000 exemplaires. Il enchaîne les traductions - anglaise en avril - les apparitions à la télé et les messages sur le blog qu’il partage avec son compère, Naoki Numahata.
En faux timide et vrai modeste, Sasaki s’étonne de ce succès. _«Je suis une personne ordinaire et me pense comme tel. Je n’ai jamais voulu former une secte minimaliste. Pourtant, j’aurais pu, comme je pourrais gagner plus d’argent. Ça ne m’intéresse pas._» Cet adepte du self-control dit vivre avec moins de 100 000 yens (815 euros) par mois. Il s’amuse des gens qui le croient riche. _«Avec les droits d’auteur, j’ai payé mes impôts, et puis j’ai fait un don à la Croix-Rouge.»_ Les amateurs de gourou charismatique et cupide en seront pour leur frais.
Dernier fils d’une famille modeste de trois enfants, Sasaki émerge en solitaire dépossédé, jamais en prosélyte pressé. Dans un pays où la passion consumériste a parfois valeur de religion productiviste, il incarne un courant de pensée qui vise à se débarrasser du superflu, à entretenir un rapport distancié aux choses et objets, à privilégier les relations humaines. La possession a des airs d’aliénation. Avec son analyse des «3 D» - demande, désir, démesure - le moine zen Koike Ryunosuke a élaboré un «éloge du peu», qui ravit l’Asie. Quand les papesses de l’art du rangement et autres expertes en désordre, Marie Kondô ou Hideko Yamashita en tête, convoquent la méthode du Dan-Sha-Ri : refuser, jeter, se détacher. «Un minimaliste est une personne qui sait ce dont elle a besoin et ne se laisse pas influencer par les médias et la pub qui poussent à la consommation, résume Sasaki en précepteur prudent. Les gens pensent qu’en achetant et ayant de l’argent, ils seront heureux. Le minimalisme est une réflexion sur le bonheur aussi.»
Ce matin, Sasaki l’expérimente au vert. Il reçoit dans un appartement de poche niché dans un immense centre de recherche arboré et désert, non loin des temples de la ville de Nara (centre du Japon). La porte s’ouvre sur un bureau en bois lisse et vide. D’un côté, un lit tiré au cordeau. De l’autre, une table de cuisine plane et nue. Autour, rien. Pas de bibelots, ni affiches ou objets personnels. La pièce est dépouillée, aseptisée presque, et immaculée dans la lumière hivernale qui pénètre par la fenêtre panoramique. Dans deux placards, on trouve un semblant d’affaires personnelles qui tient du kit de survie : - une quinzaine de livres, - un pyjama, - un blouson, - deux pantalons, - deux pulls, - une poignée de chaussettes, tee-shirts et caleçons.
Sur une étagère, un mini-ampli Sony. Dessous, le sac à dos où est rangé le Mac Book Air ultracompact. «Je n’ai rien besoin d’autre.» Tout est ordonné et calibré, prêt pour «déménager en quinze minutes».
Fumio Sasaki est arrivé ici début février pour changer de vie. Avec des universitaires, il va participer à un cycle de colloques sur l’environnement et l’avenir de l’humanité. Dans cette chambre monacale, le reste du temps, il écrit un deuxième livre sur son expérience.. «Il veut devenir quelqu’un d’autre, apprendre l’anglais, se pencher sur les questions d’écologie et se rapprocher encore plus de la nature», constate Naoki Numahata. Engagé lui aussi dans cette quête exigeante du meilleur plutôt que de la pléthore, ce père d’une fillette bavarde de 3 ans a choisi de vivre et travailler à Tokyo. Célibataire solitaire, Sasaki a décidé, lui, de démissionner de son poste d’éditeur et de déserter la capitale. «Trop de monde, trop d’immeubles trop hauts qui empêchent de voir le soleil, et lassé de travailler pour acheter. Je voulais être libre de bouger.»
Depuis quatre ans, l’ex-étudiant peu assidu en sciences de l’éducation, mais féru de «lectures difficiles» (Nietzsche, Sartre), avait déjà muté. Son entrée dans les ordres du minimalisme n’a pas été précédée d’un événement fondateur. A la fin des années 2000, il a commencé à ressentir de la lassitude pour une vie d’accumulations. Il gagne 300 000 yens mensuels (2 500 euros), empile CD et DVD, entasse livres et habits, collectionne lampes et appareils photos. En ligne, il découvre l’expérience de l’«extrême minimaliste» Andrew Hyde. L’Américain se targue de n’avoir conservé que 15 choses essentielles avant de visiter 80 pays. Fumio Sasaki débusque aussi un précieux livre : Hôjôki. Notes de ma cabane de moine, écrit par Kamo no Chômei au XIIe siècle. En disciple de Bouddha, le poète ermite de Kyoto y développe l’idée qu’«il ne faut pas s’attacher aux choses de ce monde». Un détachement avec cette dimension spirituelle colportée par le zen, voire le taoïsme chinois.
Puis le séisme et le tsunami du 11 mars 2011 sont passés par là. «Des milliers de personnes blessées par la chute de leurs objets dans la maison», se désole Sasaki. Alors, il s’est fait violence. «Pendant un an, je me suis débarrassé des affaires que j’aimais beaucoup, j’étais débutant.» Il s’est aussi séparé de sa copine. «Quand on a fait connaissance en 2013, se souvient l’ami Naoki, j’ai eu l’impression de rencontrer un moine. Il s’exprimait peu, était très poli. Nous avons parlé longuement de la culture zen.» Les deux amis s’initient à une certaine esthétique de l’incomplétude, tellement japonaise. Fumio Sasaki se met à la méditation mais refuse de se voir en apprenti bonze, «même si aujourd’hui [il vit] comme dans une retraite moderne». Il a arrêté de boire pour mieux se contrôler et «commence à réfléchir» à ce qu’il mange. Contrairement aux apparences, il n’a pas pris ses distances avec le plaisir. «Je fais des découvertes enrichissantes, je rencontre plus de gens, voyage plus, et je dépense parfois beaucoup pour des choses qui me plaisent, comme la plongée et le marathon.»
Il ne s’est pas coupé du monde. Il vote pour «tout ce qui n’est pas Parti libéral-démocrate [droite conservatrice], souvent pour le Parti communiste». Et esquisse un sourire face aux reproches des productivistes à tous crins qui aimeraient qu’une armée docile de sages consommateurs actifs fasse croître l’entreprise Japon sans état d’âmes, ni limite. Fumio Sasaki ne les écoute plus. Il projette de gagner le sud de l’archipel. Le temps y dure longtemps et la vie sûrement plus d’un million d’années.
- 23 juillet 1979 Naissance à Takamatsu. - 2012-2013 S’initie au minimalisme. - Juin 2015 Publication de Nous n’avons plus besoin de choses. - Avril 2017 Sortie de la version anglaise.
2017-05-05 : Fumio Sasaki, l’art du vide