La Vague (Gustave Courbet)

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La Vague (série, 1869-1870)
Artiste
Date
Type
Technique
huile sur toile
Localisation
(Voir inventaire)

« La Vague » est un thème récurrent exploité par Gustave Courbet durant la période des années 1869-1870. Appelées par lui « paysages de mer », ces huiles sur toile sont déclinées de très nombreuses fois et il est difficile de savoir combien de tableaux exactement le peintre a produits sur ce thème[1].

Histoire

La Mer en automne (1867) préfigure le motif central de la vague tandis qu'au loin des voiliers sont esquissés — Musée d'art Ōhara (Kurashiki).

Gustave Courbet découvre pour la première fois le bord de mer au printemps 1841, quelques mois après son installation à Paris[2]. Par la suite, et à de nombreuses occasions, il se plait à installer son chevalet face aux éléments marins et peindre d'après nature. Ses premières marines affirmées remonte à 1854 lors de son séjour dans le Languedoc chez Alfred Bruyas. Lors de la grande exposition du pavillon Courbet près du palais de l'Alma en 1867, dix toiles sur 135 œuvres cataloguées ont pour sujet la mer[3].

La pleine période des Vagues, elle, se situe entre 1869 et 1870. Le peintre prend alors plaisir à séjourner du côté d'Étretat, villégiature alors peu connue et dont il représente les fameuses falaises, mais il est un habitué depuis le début des années 1860 des rivages de la Normandie, d'Honfleur, de Trouville, où il peignit avec le jeune Whistler qui en fut marqué[4].

Comme ses contemporains Camille Corot ou Eugène Boudin, Courbet produit des séries : certaines de ses peintures peuvent présenter d'infimes variations, comme par exemple Jo, la belle irlandaise. On a aussi chez lui des esquisses, de petites dimensions, parfois non signées, préparatoires à de grands formats pleinement peints. Ici, avec la série des Vagues, c'est différent, car chaque tableau se présente composé avec une singularité propre, un angle, un cadre, une lumière particulières, qui magnifient la puissance de la vague.

Le , Courbet écrivait à Victor Hugo en réponse à une lettre de l'auteur des Travailleurs de la mer : « J'irai dans votre retraite sympathique contempler le spectacle de votre mer ! [...] La mer ! La mer ! avec ses charmes m'attriste ! Elle me fait dans sa joie, l'effet du tigre qui rit ; dans sa tristesse, elle me rappelle les larmes du crocodile, et dans sa fureur, le monstre en cage qui ne peut m'avaler[5]. »

Composition

Généralement, chaque tableau de cette période présente une vague, en cadre serré, se soulevant au premier plan d'une mer sombre, sous un ciel de couleur brune rempli de gros nuages menaçants, les deux éléments étant séparés par une ligne d'horizon très marquée. La vague écumante, principalement représentée dans des tonalités vert foncé, étonne par sa grande simplicité de composition car elle consiste en des aplats de couleurs effectués à la brosse et localement au couteau. Émile Zola, critique d'art et romancier, déclara en voyant ces tableaux : « Courbet a tout simplement peint une vague, une vraie vague déferlant sur le rivage »[6]. Un autre témoin direct fut le peintre paysagiste Louis Le Poittevin, ami de Guy de Maupassant, qui vint lui tenir compagnie dans la petite maison louée à Étretat[4].

Une autre particularité est, qu'en dehors du motif et des « effets de réels » soulignés par Zola, très vite, nulle présence humaine ou d'objet fabriqué n'est figurée, caractéristique qu'il avait déjà exploité pour certains de ses paysages terrestres : Courbet redécouvre ici une tradition du paysage qui remonte au XVIIe siècle italien et qui se perpétua jusqu'à John Constable[7].

Une fois revenu dans son atelier parisien, l'artiste avait l'habitude de retoucher ces toiles en leur ajoutant des éléments renvoyant à sa terre natale, le Doubs : la vague et les ciels forment alors comme un mur, évoquant les falaises de son enfance, et du même coup la puissance de la Nature[6].

Les formats sont variables, allant de 60 × 90 cm en moyenne, à 110 × 145 cm, par exemple pour le tableau exposé à l'Alte Nationalgalerie des musées d'État de Berlin[4] qualifiée d'« Anagoria ».

Impact critique

L'impact critique à l'époque, qui se situe juste avant la chute du Second Empire est sensible. Le peintre Paul Cézanne déclarait en les voyant au Salon : « Les grandes Vagues, celle de Berlin, prodigieuse, une des trouvailles du siècle, bien plus palpitante, plus gonflée, d'un vert plus boueux, d'un orage plus sale, que [celle du Louvre], avec son enchevêtrement écumeux, sa marée qui vient du fonds des âges, tout son ciel loqueteux et son apreté livide. On le reçoit en pleine poitrine, on recule, toute la salle sent l'embrun »[4].

Expertises et ventes récentes

Une autre représentation de Vague, reconnue comme œuvre de Courbet par quatre experts de chez Christie's[Information douteuse] allait être proposée par la Société londonienne de vente aux enchères en , lorsque l'Institut Courbet[8] a émis un avis défavorable. La vente n'a pas eu lieu[9].

Œuvres inventoriées

Les premiers tableaux – aux titres variables comme Vagues, Mer orageuse ou La Vague — présentent au premier plan, couchés sur la grève, une ou plusieurs embarcations. Plus petits, plusieurs tableaux intitulés La Vague, éliminent progressivement tout référent humain, se concentrant sur le couple mer-ciels, jusqu'à faire quasiment disparaître le rivage, laissant à peine émerger quelques rochers.


Image Titre Dimension (cm) Date Pays Ville Localisation Statut
La Mer en automne 54 × 73 cm 1867 Drapeau du Japon Japon Kurashiki Musée d'art Ōhara
La Vague ou La Mer orageuse 112 × 144 cm 1869-1870 Drapeau de l'Allemagne Allemagne Berlin Alte Nationalgalerie don de Guido Henckel von Donnersmarck (1906)[10]
Vagues 75,9 × 151,4 cm 1869 Drapeau des États-Unis États-Unis Philadelphie Philadelphia Museum of Art don de John G. Johnson (1905)[11]
Vagues 32,4 × 48,3 cm vers 1870 Drapeau des États-Unis États-Unis Philadelphie Philadelphia Museum of Art The Louis E. Stern Collection (1963)[12]
La Mer orageuse dit aussi La Vague 116,5 × 160 cm 1870 Drapeau de la France France Paris Musée d'Orsay Achat de l'État (1878)[13]
La Vague 71,5 × 116,8 cm 1869 Drapeau de la France France Le Havre Musée d'art moderne André-Malraux Entré en 2003[14]
La Vague 54 × 73 cm 1870 Drapeau de la France France Orléans Musée des beaux-arts d'Orléans Don Paul Fourché (1907)[15]
La Vague 90 × 66 cm 1869 Drapeau de la France France Lyon Musée des beaux-arts de Lyon Entré en 1881[16]
La Vague 63 × 92 cm 1869 Drapeau de l'Allemagne Allemagne Francfort-sur-le-Main Musée Städel Entré en 1908[17]
La Vague 72,5 × 92,5 cm 1870 Drapeau du Japon Japon Tokyo Musée national de l'art occidental Collection Matsukata, entré en 1959[18]
La Vague 80 × 100 cm 1870 Drapeau de la Suisse Suisse Winterthour Am Römerholz Origine inconnue[19]
La Vague 45 × 59 cm 1870 Drapeau de l'Allemagne Allemagne Essen Musée Folkwang[20]
La Vague 18,11 × 21,65 cm 1869 Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni Édimbourg Galerie nationale d'Écosse Entré en 1960[21]
La Vague 58,4 × 78,7 cm 1869 Drapeau des États-Unis États-Unis San Francisco De Young The Legion of Honor Entré en 2006[22]
La Vague 32,7 × 55,7 cm 1869 Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas Utrecht Centraal Museum Entré en 1980[23]
La Vague 55,8 × 91,4 cm 1869-1870 Drapeau des États-Unis États-Unis Dallas Dallas Museum of Art Entré en 1950[24]
La Vague ? 1870 Drapeau des États-Unis États-Unis Phoenix Phoenix Art Museum Entré en 1959[25]
La Vague 66 × 91,2 cm 1869 Drapeau du Japon Japon Matsue Musée d'Art de Shimane Date d'entrée non connue[26]
La Vague 54,2 × 73,1 cm ? Drapeau de l'Australie Australie Melbourne National Gallery of Victoria Don Felton, entrée en 1924[27]
La Vague 65,4 × 88,7 cm vers 1869 Drapeau des États-Unis États-Unis Brooklyn Brooklyn Museum Don Mrs. Horace Havemeyer, entrée en 1942[28]
La Vague ? 1871 [?] Drapeau de l'Italie Italie Rome Galerie nationale d'Art moderne et contemporain ?
Plage à Dieppe ? ? Drapeau des États-Unis États-Unis Phoenix Phoenix Art Museum Don de M. & Mrs Arthur Murray. Entré en 1961[29]
La Vague 49,5 × 60 cm ? Drapeau de Cuba Cuba La Havane Musée national des Beaux-Arts ?
Avant la tempête à l'horizon 53,6 × 72,4 cm 1872 Drapeau du Japon Japon Tokyo Tokyo Fuji Art Museum (en) ?
La Vague 47,5 × 65 cm 1869 Drapeau de la Russie Russie Moscou Musée des Beaux-Arts Pouchkine Date d'entrée inconnue[30]
La Vague (Brandungswelle) 67,2 × 107 cm 1869 Drapeau de l'Allemagne Allemagne Brême Kunsthalle de Brême Origine et entrée non connues[31]
La Vague 70 × 102 cm 1870 Drapeau de la Hongrie Hongrie Budapest ? Collection François de Hatvany, disparu en 1945[32],[33]
Mer d'orage 70,50 × 77,80 cm vers 1869 Drapeau des États-Unis États-Unis Champaign Krannert Art Museum (en) Don Mr. and Mrs. Herman E. Cooper[34]
Mer orageuse 80 × 100 cm vers 1869-1870 ? Drapeau de l'Argentine Argentine Buenos-Aires Musée national des Beaux-Arts Coll. Domingo Martinto, entré en 1906[35]
La Vague 43,4 × 64,9 cm ? Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni Southampton Southampton City Art Gallery (en) Coll. Peter and Lies Askonas, entré en 2004[36]

Bibliographie

Références

  1. « Il est impossible de citer toutes les Vagues peintes par Courbet » : fr. « Catalogue » par Hélène Toussaint, in: Gustave Courbet (1819-1877), Paris, RMN, 1977, p. 208.
  2. Lire la Biographie sommaire de Gustave Courbet, Institut Courbet, en ligne.
  3. Voir la notice 520 cu catalogue raisonné de Robert Fernier (1, 1977), p. 102.
  4. a b c et d Catalogue par Hélène Toussaint, notice 112, in: Gustave Courbet (1819-1877), Paris, RMN, 1977, pp. 202, 206.
  5. Petra ten-Doesschate Chu, Correspondance de Courbet, Paris, Flammarion, 1996, p. 222-223.
  6. a et b « La Vague », Musée des beaux-arts de Lyon (consulté le )
  7. Thomas Schlesser, L'Univers sans l'homme, Paris, Hazan, 2016. Présentation de son ouvrage par Étienne Klein, « Science et Art, qui modèle qui ? », La Conversation scientifique, France Culture, 6 janvier 2018 (en ligne).
  8. « Institut Gustave Courbet - Association des amis de Courbet et du Musée », sur Institut Gustave Courbet (consulté le ).
  9. L'Est républicain, 27 avril 2019.
  10. (de) Notice œuvre id. : obj02532159, Bildindex.
  11. (en) Notice œuvre id. : W1905-1-1, catalogue en ligne du PMA.
  12. (en) Notice œuvre id. : 1963-181-21, catalogue en ligne du PMA.
  13. Notice de l'œuvre, id. : 928, catalogue en ligne du musée d'Orsay.
  14. « Fiche, La Vague », sur Musée André Malraux (consulté le )
  15. Notice œuvre id. : 314, catalogue en ligne des Musées de la Région Centre.
  16. Notice œuvre id. : B 295, catalogue en ligne du MBA Lyon.
  17. Notice de l'œuvre id. : 1433, catalogue en ligne du Städel.
  18. Notice œuvre id. : P.1959-0062, catalogue en ligne du Musée national de l'art occidental.
  19. Moteur de recherche, catalogue en ligne du Am Römerholz.
  20. (de) Georg-W. Költzsch, Phoenix Folkwang Die Meisterwerke, Dumont, , 280 p. (ISBN 9783832149949), p. 70
  21. Notice œuvre id. : NG 2233, catalogue en ligne de la NGS.
  22. Notice œuvre id. : 2006.58, catalogue en ligne des musées des Beaux-Arts de San Francisco.
  23. Notice œuvre id. : 22124, catalogue en ligne du Centraal Museum.
  24. Notice œuvre id. : 1950.86, catalogue en ligne du Dallas Museum of Art.
  25. Notice œuvre id. : 1959.87, catalogue en ligne du PAM.
  26. (ja) Notice œuvre id. : OFZ0001000, catalogue en ligne du musée d'Art de Shimane.
  27. Notice œuvre id. : 1309-3, catalogue en ligne de la NGV.
  28. Notice œuvre id. : 41.1256, catalogue en ligne Brooklyn Museum.
  29. Notice œuvre id. : 1961.138, catalogue en ligne du PAM.
  30. Notice œuvre id. : Ж-1279, catalogue en ligne du musée <Pouchkine.
  31. Notice œuvre id. : 53, catalogue en ligne du Kunsthalle Bremen.
  32. (en) Notice œuvre, sur Monuments Men and Women'.
  33. (en) Notice œuvre, sur Lost Art Database - German Lost Art Foundation.
  34. (en) Notice œuvre id. : 1961-7-, collection en ligne du Krannert Art Museum.
  35. (es) Notice œuvre id. : 2334, collection en ligne du Museo Nacional de Bellas Artes.
  36. (en) Notice œuvre id. : 4/2004, catalogue en ligne ArtUK.