Jules Vincent Auriol[2] est le fils unique de Jacques Antoine Auriol, artisan boulanger, et d'Angélique Virginie Durand. À l'âge de dix ans, il perd l'usage de son œil gauche pour avoir mal ajusté la détente d'un pistolet à amorces pour enfant ; il porte le restant de ses jours un œil de verre[3].
Il exerce la profession d'avocat à Toulouse. Inscrit un temps aux Jeunesses libertaires[5], il milite ensuite à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) dès sa fondation. Ayant entendu Jean Jaurès à Toulouse, il devient socialiste et fonde avec Albert Bedouce (député de Haute-Garonne), le journal Le Midi socialiste. Créé en 1908, ce quotidien a eu une réelle influence dans la vie politique régionale du début du XXe siècle, du fait de la personnalité de certains de ses collaborateurs : Vincent Auriol lui-même, Albert Bedouce, Jean Jaurès, Alexandre Varenne, Paul Ramadier, etc. Outre l'édition toulousaine, il comprenait une vingtaine d’éditions locales couvrant les anciennes régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, et plus partiellement le Limousin, l'Aquitaine et l'Auvergne[6].
Fin stratège, Auriol s'impose comme l'un des membres influents du parti socialiste dans le Sud-Ouest après l'assassinat de Jean Jaurès.
Du à , il est élu député de Muret (Haute-Garonne) à l'Assemblée nationale[7], puis maire de cette même ville en 1925, secrétaire du groupe socialiste à la Chambre des députés à partir de 1928, il devient progressivement l'expert financier du parti socialiste puis un de ses principaux représentants.
Il fait adopter par la SFIO en 1921, puis par l'ensemble des partis socialistes européens en 1922, un plan de redressement prévoyant la création d'un Office central qui se chargerait de toutes les régions sinistrées et qui serait financé par des prêts à long terme consentis par le gouvernement. L'Allemagne paierait, via cet organisme, ses réparations, par des prélèvements sur les dividendes de ses banques et industries. Mais les socialistes ne sont alors pas assez puissants pour imposer un tel projet.
De 1924 à 1926, sous le Cartel des gauches, Vincent Auriol préside la commission des finances de la Chambre des députés. Il soutient Léon Blum dans tous les congrès. Lors de la victoire électorale du Front populaire ( à ), on parle de Auriol pour prendre le poste de président du Conseil des ministres, mais il milite activement pour que Blum soit nommé à cette fonction.
En , le gouvernement de Vichy le fait arrêter en même temps qu'Eugène Montel et Léon Blum à Colomiers (Haute-Garonne) au château de l'Armurié. Vincent Auriol est d'abord incarcéré à Pellevoisin (Indre) puis à Vals-les-Bains (Ardèche) et entretient une correspondance avec Léon Blum, où il se montre tout à fait optimiste sur la victoire des démocraties face au nazisme et au fascisme. Vichy fait mener une enquête sur lui, mais le tribunal civil de Muret prononce un non-lieu. Il est libéré pour raisons de santé et placé en résidence surveillée en . De sa maison, il conseille les socialistes résistants.
En 1942, il passe à la clandestinité et entre dans la Résistance. Il écrit Hier et demain, qui sera publié en 1944 à Alger, et dans lequel il entame une réflexion sur les institutions qui, selon lui, devraient remplacer celles de la IIIe République. En 1943, il parvient à rejoindre Londres en avion et se met au service du général de Gaulle. L'année suivante, il est président de la Commission des Finances de l'Assemblée consultative d'Alger[8] et adhère à l'Union des évadés de France[9].
Président du conseil général de la Haute-Garonne (1945)
Après son investiture au palais de l'Élysée, le nouveau président de la République affiche clairement son ambition de faire du chef de l'État un véritable arbitre entre les différentes institutions nationales, n'entendant guère être un « président soliveau ». Il entend ainsi « arbitrer les diverses opinions dans le sens de la volonté populaire et de l'intérêt collectif » en précisant que « [s]es conseils s'arrêtent au seuil de la décision »[11]. Mais les crises ministérielles successives auxquelles est confrontée la fragile IVe République ne cessent pas : en première ligne, car étant le mandant du président du Conseil des ministres, le président Auriol est ainsi caricaturé dans de nombreux dessins de presse. Le dessinateur Jean Sennep, par exemple, met en scène, dans un dessin publié dans Le Figaro du , le président Auriol, vraisemblablement fatigué, rédigeant un emploi du temps quant aux personnalités nommées à la présidence du Conseil au jour le jour.
À l'occasion de son mandat, Vincent Auriol, soutenu par son épouse, fait remanier le palais de l'Élysée[8].
Vincent Auriol ne brigue pas un second mandat présidentiel et quitte ses fonctions le . René Coty (CNIP) lui succède.
Vincent Auriol finit par souscrire à l'appel au général de Gaulle en 1958, mais, rapidement en désaccord avec Guy Mollet, il quitte la SFIO en 1958 et profite de son statut d'ancien président et de chef historique du socialisme français pour collecter des fonds auprès des partis membres de l'Internationale socialiste au profit du nouveau Parti socialiste autonome (PSA).
En 1959, il devient membre de droit du Conseil constitutionnel. En cette qualité, il œuvre en faveur des prérogatives du Parlement[12], nuisant à sa crédibilité auprès des autres membres du Conseil[13]. Il cesse de se rendre aux réunions dès 1960, pour protester contre l'interprétation particulièrement restrictive des compétences du Conseil et du Parlement qu'a le général de Gaulle, plusieurs lois, dont la loi Debré sur l'enseignement scolaire, ayant été votées sans que le Conseil constitutionnel soit consulté[réf. nécessaire], contre le refus du président de Gaulle de convoquer une session extraordinaire en mars 1960 et du fait de la non-annulation d'élections législatives, qu'il juge truquées, en Algérie[14]. « Cette désinvolture à l'égard de la souveraineté nationale et de notre charte fondamentale oriente le régime constitutionnel de 1958 vers un système de pouvoir personnel et arbitraire en opposition avec les principes et les règles essentiels de la démocratie. », déclara Vincent Auriol dans une lettre du 25 mai 1960[15]. Vincent Auriol revient lors des séances des 3, 5 et [16],[17],[18],[12] ; à l’occasion de cette dernière séance, il vote l'inconstitutionnalité de la loi référendaire modifiant le mode d'élection du président de la République[18],[14]. Son soutien à la candidature de François Mitterrand, lors de l'élection présidentielle de 1965, est son dernier engagement politique.
Hier et demain, 1944 (écrit pendant la Seconde Guerre mondiale).
Journal du septennat, éd. Tallandier, 2004 (version complète).
Dix années d'administration socialiste 1925-1935, éd. Commune de Muret, 1935.
Mon septennat 1947-1954, éd. nrf Gallimard, 1970.
Les papiers personnels de Vincent Auriol sont conservés aux Archives nationales, sur le site de Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 552AP : Inventaire du fonds.
Le Musée Clément Ader et des grands hommes, à Muret, a été fondé dans sa villa, où plusieurs salles lui sont consacrées, notamment sa bibliothèque personnelle laissée intacte.
Hommages
Un collège-lycée porte son nom dans sa ville natale de Revel.
147 lieux publics portent le nom de Vincent Auriol[23].
Un pont sur le fleuve Niger à Bamako porta le nom de Vincent Auriol jusqu'à l'indépendance du Soudan français devenu Mali le . Vincent Auriol en avait posé la première pierre en , mais le pont ne fut inauguré qu'en . Il fut rebaptisé « pont de Badalabougou » après l'indépendance, puis « pont des Martyrs » après la chute du Président Moussa Traoré en 1991.
Notes et références
Notes
↑Membre de droit en tant qu'ancien président de la République, il ne siège plus à partir de .
↑Arnaud de Maurepas, Hervé Robert et Pierre Thibault, Les Grands Hommes d'État de l'histoire de France, Larousse (réédition numérique FeniXX), (ISBN978-2-03-592126-0, lire en ligne)
↑L'anarchiste de 1949, reportage de Louis Pauwels dans le numéro du 19 octobre 1949 de l'hebdomadaire Carrefour, p.5-6
↑ ab et cArnaud Folch et Guillaume Perrault, Les Présidents de la République pour les nuls, Éditions Générales First, , 375 p. (ISBN978-2-7540-2066-4 et 2-7540-2066-7), p. 165-176
↑ a et bMichel Verpeaux, « Conseil constitutionnel.-Statut de l'institution et de ses membres » in Jurisclasseur administratif, LexisNexis, 1er mai 2022.
Jean-Pierre Cuvillier (préf. Alfred Sauvy), Vincent Auriol et les finances publiques du Front populaire ou l'alternative du contrôle et de la liberté (1933-1939), Toulouse, Association des publications de l'Université de Toulouse-Le-Mirail, coll. « Publications de l'Université de Toulouse-Le Mirail », , XIX-124 p. (présentation en ligne).
Pierre Miquel, Les Quatre-Vingts, Paris, Fayard, 1995.
Éric Ghebali, Vincent Auriol : le président citoyen (1884-1966), Paris, Grasset, 1998.
Gilles Morin, « Les Socialistes dans les geôles de Vichy : à la recherche d'une parole libre », dans Pierre Guidoni (dir.) et Robert Verdier (dir.), Les socialistes en Résistance (1940-1944) : combats et débats, Paris, Séli Arslan, coll. « Histoire, cultures et sociétés », , 188 p. (ISBN2-84276-031-X).
Louis Mexandeau, Histoire du parti socialiste, Paris, Tallandier, 2005.
Édouard Barthe, Le Combat d'un parlementaire sous Vichy, éd. Singulières, 2007 (ISBN978-2-35478-005-0).
Jenny Raflik, « Vincent Auriol et la fonction présidentielle sous la IVe République : une discrète mais réelle quête de puissance », dans Jean-Michel Guieu et Claire Sanderson (dir.), avec la collaboration de Maryvonne Le Puloch, L'historien et les relations internationales : autour de Robert Frank, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire contemporaine » (no 6), , 335 p. (ISBN978-2-85944-702-1), p. 59-68.